Les nourritures d’impressions (A.Desjardins)

corps subtil2

…Mais ce qui est moins habituel, c’est de considérer que nous nous nourrissons aussi au niveau psychique émotionnel, intellectuel. Les différents corps – le corps physique, le corps subtil et à un niveau plus subtil encore, le corps causal –  peuvent être nourris, donc avoir une croissance. De même que pour l’alimentation ordinaire du corps physique, un processus qui comprend l’absorption, la transformation et l’assimilation est à l’œuvre au niveau des corps intérieurs. Et la même question se pose ici : comment est-ce que je transforme toutes les « nourritures d’impressions » en mon propre être ? L’ancienne tradition à laquelle je me réfère – qu’il s’agisse de l’enseignement de Gurdjieff ou du Yoga-vedanta – propose une réflexion très profonde sur la façon de nourrir ces différents corps afin de favoriser leur croissance. Une bonne compréhension de la façon dont ces nourritures d’impressions peuvent être transformées et assimilées va permettre une croissance intérieure dans l’échelle des niveaux d’être, des niveaux de conscience. D’autre part, le disciple qui s’est éveillé en nous constitue, au début de notre sadhana, un contrepoids bien fragile face à la force de nos désirs, de nos peurs et de nos conditionnements. C’est pourquoi cet aspect particulier de nous-mêmes a besoin d’être nourri pour croître et se développer.

Il y a deux idées à comprendre : l’une est que les nourritures nous apportent une énergie nécessaire au déploiement de nos activités quotidiennes. Pour faire du jardinage, nous consommons de l’énergie physique ; pour résoudre des problèmes mathématiques, nous consommons de l’énergie intellectuelle. Quant aux émotions, elles consomment tout à fait inutilement une énorme quantité d’énergie. Mais en même temps, si la nourriture « matérielle » a construit peu à peu notre corps physique, les nourritures d’impressions peuvent soutenir la croissance de notre corps subtil et permettre de constituer en nous une structure intérieure qui va cristalliser et nous amener à fonctionner à un tout autre niveau. C’est ce que l’on appelle croissance intérieure, croissance de l’être…

Arnaud Desjardins

Véronique Desjardins

La traversée vers l’autre rive

Editions Accarias

Bonne lecture, bon dimanche : Claude Sarfati

L’enfant de coeur (Arnaud Desjardins)

Entretien-avec-Arnaud-Desjardins_imagePanoramique500_220

Arnaud Desjardins est né en 1925. Réalisateur à la Télévision française pendant vingt-deux ans, grand reporter en Asie, membre de la société des explorateurs français, il se fait connaître dans les années soixante par une série de reportages inédits sur le bouddhisme tibétain, les ashrams hindous, les monastères zen du japon et les confréries soufies d’Afghanistan, ainsi que par ses premiers ouvrages, Ashrams, les Yogis et les Sages et Le Message des Tibétains.

Ses rencontres avec les maîtres des différentes traditions lui permettent d’approfondir sa propre quête spirituelle jusqu’au jour où il s’engage auprès de celui qui deviendra son maître, Swâmi Prajnanpad. Durant neuf années consécutives, il effectue auprès de ce maître Bengali, des séjours réguliers jusqu’à ce qu’une transformation radicale s’opère en lui.

En 1974, à la mort de Swâmi Prajnanpad, il estime devenir enfin le disciple de ce maître, n’étant jusque là qu’un élève!
il se retire dans le centre de la France pour partager avec quelques lecteurs de ses livres son expérience et assumer à son tour le rôle de guide.
Trois lieux jalonnent son parcours d’instructeur, le Bost en Auvergne, puis Font-d’Isière dans le Gard, et enfin Hauteville en Ardèche

Son enseignement

1 – libre de l’Ego

Dans l’adyatmayoga, l’enseignement de Swâmi Prajnanpad : le fondement de ce qu’on appelle « vie spirituelle » est une connaissance profonde  la psychologie, c’est-à-dire la connaissance du mental, qui englobe pensées et émotions. Mais la comparaison s’arrête là, car si le but en psychologie est de se connaître et d’essayer de mieux fonctionner, dans l’adyatmayoga, on bascule dans la métapsychologie, qui explore l’inconscient bien au delà de ce que permet la psychologie, et  qui recherche l’effacement de l’ego.
Le but étant de devenir  libre de l’Ego.
L’Ego est la somme de nos caractéristiques, le mental est notre attachement à cela!

2 – libre des désirs

Essentiel, mais difficile, car il est inadmissible pour l’homme moderne de concevoir une réalité où son individualité n’aurait plus de place. Le paradoxe est le suivant : chaque être est unique, mais chacun voudrait inconsciemment que l’autre lui ressemble, qu’il agisse en conformité avec ses désirs.
Du refus de la différence naît la dualité et donc la souffrance.
Le travail consiste donc à rechercher l’unité, à ne faire qu’un avec l’univers, car l’énergie est unique. Pour cela il ne faut pas tenter de « tuer » l’ego mais, au contraire  assumer  et vivre CONSCIEMMENT ses désirs .
Puis réaliser que la plénitude parfaite et durable ne peut être atteinte . Alors, seulement, les désirs tombent d’eux-mêmes. « La disparition de l’ego consiste en une mort à soi-même tel que nous nous connaissons aujourd’hui, une mort et une résurrection déjà si totales, que la mort du corps physique n’y enlève rien. »

3 – Libre des émotions

Les émotions définissent l’ego.  « J’aime ou j’aime pas » (le pêché originel) est source de joies et de souffrances. La libération des émotions consiste à s’affranchir de ces réactions  émotionnelles: une chose n’est ni belle ni laide, elle est ce qu’elle est, tout simplement.
Sans émotions, est-on encore vivant ? « Oui, répond Arnaud Desjardins, car la mort de l’ego est la véritable naissance, la découverte de ce qui est au fond de nous. » C’est l’éclatement de la prison étroite du « je » qui libère une perception plus juste du monde.
Ainsi, on n’est capable de sentiments qu’en abandonnant les émotions.

4 – Voir !

Être présent, attentif, conscient, savoir à chaque instant ce qui se passe en nous et autour de nous. Seule cette attitude permet de Voir ce qui est, ce qui est Réel, et non la transposition de souvenirs passés intervenants dans le présent
Cette aptitude de vigilance se développe et croît peu à peu par l’exercice de la méditation. Seule la vigilance permet de ne plus se laisser emporter par les émotions. Cette attitude n’a rien de spectaculaire mais elle change tout. Ces moments de conscience, Arnaud Desjardins les appelle des « souvenirs » : on se souvient de soi-même, de son but, du sens de sa vie, et on reste maître de soi.

5 – Trouver son maître

Comme en thérapie, on ne peut s’engager sur les chemins de la sagesse sans être guidé par un être d’expérience ayant fait le chemin. Il stimule, bouscule, écoute et répond aux questions. « Si une personne ne réunit pas ces compétences, elle n’est en aucun cas un maître, mais un de ces aveugles guidant les aveugles… » Le maître ne révèle pas sa qualité par des prodiges spectaculaires, mais par sa réponse à une demande juste. Comment trouver son maître ? Par recommandation, en lisant des livres sur le sujet, au gré de retraites, etc. Puis le disciple s’arrête à celui qu’il reconnaît comme tel.
Mais le plus important n’est pas « d’avoir un maître », mais bien « d’être un disciple »

Source: L’enfant de coeur

Bonne lecture, bon dimanche: Claude Sarfati

A.Desjardins fait zazen avec Taisen Deshimaru

deshimaru

Le mot japonais « zen » et le mot chinois « ch’an » qui définissent des écoles du bouddhisme, viennent du sanscrit dhyana et signifient « méditation ». La saveur du zen se confond donc avec l’esprit de la méditation assise préconisée par le Bouddha. Tous les grands maîtres de cette tradition ont toujours prétendu que les êtres humains se devaient de guérir, de pacifier leur propre esprit et que, dans cette démarche-là, se trouvait la solution des maux de l’humanité.

 

Dans cet entretien effectué peu avant sa mort en 1982, le grand maître zen nous parle de la méditation comme voie pour équilibrer notre entité psychosomatique aux prises avec les pollutions extérieures et intérieures. Ce mondo privé (questions-réponses) eut lieu un soir dans son appartement. Nous avons tenu à garder, dans la traduction de son anglais, toute la saveur abrupte de ce qu’il appellait son « zenglish ».

Nouvelles Clés : Quel est l’acte qui importe le plus dans le zen ?

Maître Taïsen Deshimaru : La posture. C’est la posture de méditation qui est la plus importante. Le zazen.

N. C. : Pourtant, il est dit que le zen n’a rien à voir avec la position couchée, assise ou debout ?

T. D. : Oui, l’esprit du zen transcende toutes les catégories. Mais on dit aussi que le zen, c’est zazen, que la posture elle-même est satori, éveil.

N. C. : Pouvez-vous expliquer cela ?

T. D. : Nous sommes sans cesse en train de courir, de penser, d’errer à la recherche de quelque chose.

Se mettre dans la posture, faire zazen, permet d’arrêter le mouvement, de stopper le processus de fuite en avant, ce processus qui fait que l’on se retrouve à l’heure de sa mort en ayant gâché sa vie dans l’illusion de la vivre.

N. C. : Le zen, c’est donc l’arrêt du geste ?

T. D. : Avant tout il faut arrêter les habitudes, stopper le déroulement du karma, cet enchaînements des causes et des effets dans notre vie quotidienne, le laisser filer loin de nous comme des nuages filent au-dessus de la montagne sans jamais l’emprisonner. Une partie du malheur de l’humanité vient du fait que les gens ne savent pas se libérer de l’emprise de leur karma, de l’attachement à leur histoire personnelle.

N. C. : Mais le karma, c’est aussi la famille, le enfants, les amis, le travail. On ne peut abandonner tout cela…

T. D. : Il ne s’agit pas d’abandonner mais de lâcher prise… Quand on dit que les moines doivent abandonner leur famille cela ne veut pas dire qu’ils doivent la laisser mourir de faim. Non. Il s’agit en fait de ne plus être attaché à l’esprit des choses, d’avoir une certaine distance par rapport aux émotions qu’elles suscitent. La compassion n’est pas sentimentalisme geignard, mesquin et confortable mais vrai amour qui aide. Et puis le karma est à l’oeuvre dans notre cerveau : karma du passé, du présent et du futur s’y mélangent, donnent une vraie soupe nauséabonde ! Vous connaissez l’histoire de la vieille vendeuse de gâteaux qui dit au jeune moine qui veut lui en acheter un : « Avec quel esprit allez-vous manger ce gâteau ? Avec l’esprit du passé, du présent ou du futur ? » Le jeune moine s’enfuit car il est trop sot pour répondre ! Le karma est aussi créé par le trop-plein de pensées, de désirs, de rêves qui s’agitent dans nos têtes. La plupart des gens font ainsi plus de sexe avec leur tête qu’avec leur bol ou leur bâton ! (rire tonitruant).

La posture immobile permet de couper le karma : Je dis toujours : Laissez passer les pensées comme les nuages dans le ciel, laissez passer, passer, passer… Il faut épuiser le trop-plein de pensées, alors le cerveau peut recevoir de nouvelles informations. Une bouteille pleine ne peut plus rien contenir ; une bouteille vide, oui. Mais pour bien laisser passer, il faut se concentrer sur la pos- ture de méditation : dos droit, bassin basculé, nuque droite, pouces qui ne doivent faire ni montagne ni vallée, yeux mi-clos, se concen- trer sur l’expiration la plus longue possible jusque dans le hara, le kikai tanden, l’océan de l’énergie qui se situe dans l’abdomen. Vos postures ne doivent pas être comme des bou- teilles de bières éventées ! Elles doivent être fortes, riches, belles, alors l’harmonie en vous, la sagesse apparaît. La vraie sagesse se trouve dans l’effort de l’immobilité. L’effort juste est le plus important.

N. C. : Quelle différence y a-t-il entre le raja yoga et le zazen ? C’estfinalement toujours de la méditation, jambes croisées en lotus ou demi-lotus !

T. D. : La différence ? C’est le coussin ! (rire). Ce n’est pas une plaisanterie. C’est le zafu, le coussin rond que l’on met sous ses fesses ! Ce simple coussin permet d’équilibrer complètement la posture, de l’ancrer dans le sol, les deux genoux touchent la terre, le coussin donne tout son sens à la beauté de l’assise. Essayez de croiser les jambes en lotus sans coussin et vous verrez la différence. Il y a toujours un genou qui se soulève, même légèrement, et toute la posture n’est pas aussi belle. Ni aussi efficace.

N. C. : Oui. Cette invention du coussin remonte d’ailleurs au Bouddha qui demanda un jour à un paysan qui fauchait son champ de lui couper de l’herbe sala, une herbe très souple, pour s’en confectionner un siège permettant d’équilibrer l’assise.

T. D. : Vrai. Vrai (True. True). Bouddha a trouvé la voie du milieu. Il avait vécu une vie de prince trop molle, puis une vie d’ascète trop exacerbée, il comprit que seul un juste équilibre permettait de trouver sa vérité propre. Ce n’était pas un hystérique comme beaucoup de spiritualistes !

N. C. : Un instrument de musique doit être justement accordé pour faire de la musique, l’histoire estfameuse…

T. D. : Oui. Et notre corps est comme un ins- trument de musique qu’il faut savoir accorder pour bien jouer la vie. Pour apprendre à « négocier la Voie », dit-on dans le zen.

N. C. : Quels sont les grands reproches que vous faites à nos contemporains ?

T. D. : D’être trop faibles (too weak).

La pos ture de méditation peut les rendre forts. C’est la civilisation qui les rend faibles, il y a trop de tout, trop à manger, trop de bruit, trop de publicité, trop d’images, trop de sexe ; trop, trop. Tout le monde est intoxiqué, hystérique, la voie naturelle est oubliée…

N. C. : Comment voyez-vous l’avenir ?

T. D. : Beaucoup de destructions, toujours davantage de pollutions. L’espèce humaine ne pourra se sauver que par la sagesse. La sagesse doit s’élever de l’humanité.

N. C. : Le simple fait de pratiquer zazen peut- if aider à réaliser cela ?

T. D. : Sur le plan personnel, certainement. Sur le plan collectif, le grain de sable de la sa- gesse peut enrayer la machine emballée. Peut- être… (Maybe…) Il faut le croire, fortement (strongly), il faut pratiquer, fortement. Une posture juste influence le monde entier… (silence) …comme un sourire influence tout le monde autour de vous. Il y a une grande différence entre les réactions suscitées par un sourire ou celles déclenchées par une insulte. Faire gassho (saluer les mains jointes) est mieux que dresser le poing ! Et une main ouverte saisit plus que qu’un poing fermé…

N. C. : Vous êtes donc confiant ?

T. D. : A la fin (at to the last) toutes les bulles d’air à la surface d’un cours d’eau font « plop » et reviennent se fondre à ce cours d’eau. Alors… ce n’est pas la peine de se poser trop de questions : comment va finir l’humanité, comment vais-je mourir, combien de temps mes enfants vont-ils vivre, comment vais-je survivre, quand est-ce que je vais rencontrer la femme de ma vie, quand est-ce qu’un homme va coucher avec moi… Quand, comment, pourquoi, on se torture sans cesse avec des questions inutiles. L’important est l’action : ici et maintenant, agir. La réponse aux questions vient toujours assez vite. La vie est comme une ligne faite de points. Chaque instant est un point. Plus chaque instant est vécu fort, plus les points, et donc la ligne, sont forts. Il faut tracer sa vie, fortement. La posture de médi- tation aide, c’est tout. Elle aide à guérir le corps et l’esprit.

N. C. : Vous dites aussi souvent que faire zazen, c’est entrer dans son cercueil. Qu’ est-ce que cela veut dire ?

T. D. : C’est votre koan ! (rire tonitruant).

N. C. : Je peux y répondre ?

T. D. : Certainement.

N. C. : Voilà. Dans la posture on retrouve un état qui existe avant notre naissance et après notre mort. On ressent un vide qui préexiste à notre existence. Si on devient vide (ku) on rejoint l’énergie primordiale (ki). C’est ça ?

T. D. : Comme vous voulez ! N’oubliez jamais cette phrase de l’Hannya Haramita Shingyo(le sutra de la Grande Sagesse que l’on chante souvent dans les dojos zen, à la fin des zazen du matin) :

Ku soku ze shiki

Shiki soku ze ku

Le vide crée le phénomène

Le phénomène créé le vide.

Il faut voir au-delà de la dualité. Au-delà du par-delà…

N. C. : Sensei, vous dites souvent que les gens sont trop égoïstes. Comment remédier à cela ?

T. D. : Par la pratique de la méditation, par le zazen, les bonnos (illusions, travers, défauts) décroissent naturellement, inconsciemment, automatiquement. Regardez-vous : avant, vous ne pensiez qu’à vous, maintenant vous faites des livres pour les autres (rires) ! Les Occidentaux ont cru jusqu’à maintenant que le zen est une philosophie intellectuelle. Or, au contraire, pratiquer le zen consiste à penser avec son corps, c’est unir le corps et l’esprit, c’est une sagesse du corps. Ch’an, zen, dhyana, zazen, tous ces mots définissent la méditation qui est pratique de tout le corps. Ainsi peut-on équilibrer les deux cerveaux. L’être moderne est gravement malade : la pratique de la méditation peut l’aider à devenir sain. Ce n’est pas la peine de s’enfuir dans une grotte dans la montagne pour cela. La posture elle-même est la grotte et la montagne. Où que vous soyez existe la vraie liberté, celle du poisson dans l’eau ou de l’oiseau dans le ciel. Mais on peut amener un cheval à la rivière, c’est à lui de boire… Transformer son karma reste l’affaire de chacun !

À lire :

Sur les pas du Bouddha, ouvrage qui retrace la vie, la philosophie du Bouddha et le voyage que Marc de Smedt fit sur leurs traces en Inde, éd. Albin Michel, coll. Espaces Libres Poche.
Zen et psychosomatique, par maître Deshimaru et le professeur Ikemi, éd. Albin Michel.
Les autres ouvrages majeurs de maître Deshimaru : La pratique du zen, Zen et Arts martiaux, Zen et vie quotidienne, L’anneau de la voie…, se trouvent en poche chez Albin Michel dans la collection Spiritualités Vivantes.

Guérir l’esprit

Entretien avec Taisen Deshimaru, propos recueillis par Marc de Smedt

Source : Nouvelles clés.

Bonne lecture, bonne écoute: Claude Sarfati

La mort, une illusion ?

Il suffit de regarder nos photos de famille pour se rendre compte que ce que nous avons été n’est plus. Notre corps d’enfant a disparu pour laisser la place à un corps d’adulte. Pourtant, nous avons la conscience de la permanence de notre être malgré ces changements de formes.

L’expression de Lavoisier, célèbre savant du XVIIIème siècle, “ Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ”, tendrait à montrer que l’angoisse que nous procure l’idée de la mort est intimement liée à une notion illusoire de perte. Ainsi, la mort faisant naturellement partie de la vie, avoir peur de mourir peut entraîner un refus de vivre. Arnaud Desjardins, ex-réalisateur de télévision, soutient cette thèse dans son ouvrage “ L’audace de vivre ”. Il écrit : Oser vivre, c’est oser mourir à chaque instant mais c’est également oser naître…

Ce que nous apprend le mythe
À en croire Otto Rank, psychanalyste autrichien du siècle dernier, auteur du livre  » Le traumatisme de la naissance  » , nous sommes tous marqués par cet événement originel, nommé aussi angoisse de dissociation. Le sentiment de perte est déjà inscrit en nous à ce moment-là, alors que la réalité nous montre que nous n’avons absolument rien perdu. Au contraire, nous avons gagné en indépendance. De fait, si nous abordions la mort dans cette perspective d’individuation, peut-être la faucheuse perdrait-elle son aspect terrifiant… D’ailleurs, dans la mythologie grecque, Thanatos, personnification de la mort, est fille de la nuit et sœur du sommeil. Comme sa mère, elle a la faculté de régénérer. Ambivalente, elle est liée à la symbolique de la terre. Il ne faut donc pas y voir seulement le côté négatif, même si c’est l’une de ses réalités. Mais plutôt considérer son aspect évolutif. Les psychologues, en accord avec le mythe, savent qu’en tout être humain une tension existe entre les pulsions de vie et les pulsions de mort. La mort n’est donc pas envisagée par ceux-ci comme une fin en soi mais comme la condition même de l’évolution des choses.

Une résistance au changement
Mors janua vitae, dit la locution latine : La mort porte la vie. D’ailleurs, que de progrès avons-nous faits en abandonnant une situation qui n’avait plus de sens : une conduite addictive, une liaison conflictuelle, un travail aliénant, etc… Sophie raconte : Il y a très longtemps que je savais que ma dépendance à la cigarette n’était pas bonne. Pourtant je m’accrochais à elle, ayant l’impression d’être incapable de vivre sans. Jusqu’au jour où j’ai compris, avec l’aide d’un thérapeute, que le tabac m’empêchait de me réaliser pleinement dans ma passion, la musique. En fait, le symptôme cachait ma résistance à abandonner mon métier d’enseignante, un métier sécurisant où le salaire était assuré mais qui n’était fait que de compromis. La pratique de mon instrument, la clarinette, demandait une qualité de souffle que je ne m’autorisais pas à avoir en fumant. À partir de là, j’ai accepté de faire le deuil d’une cigarette par semaine, puis deux, et ainsi de suite… Jusqu’à ne plus fumer. Parallèlement, j’ai rencontré Clément, chef d’orchestre, qui m’a assurée de mes compétences artistiques et proposé une place dans sa formation, à condition de reprendre mes études musicales là où je les avais laissées. Aujourd’hui, je suis en passe d’abandonner mon métier pour vivre ma passion. Autant vous dire que la cigarette a complètement disparu de ma vie…

Sentiment de manque et sage questionnement
Ce n’est pas notre propre mort qui nous angoisse mais plutôt le sentiment de vide. Nous souffrons de la perte d’un être cher parce qu’il nous manque, qu’il nous rappelle que nous aussi sommes mortels et qu’il faudra un jour quitter tout ce à quoi nous sommes attachés. Cela va de notre compte en banque jusqu’à notre corps physique ! La notion de temps est ici très importante. Nous avons une vie entière pour expérimenter ce manque en tant qu’il peut être dépassé. C’est tout le sens du travail de deuil qui permet toujours de passer à autre chose. Or, notre société a tendance à occulter ce temps. Aujourd’hui, il faut aller très vite. On meurt plutôt à l’hôpital, le corps est rapidement écarté de la vue, il n’y a parfois pas de veillée mortuaire. Sous prétexte de modernité, la mode est à la crémation, nous coupant de nos racines culturelles et même aussi de lieux symboliques dédiés aux défunts. La confusion mort/vie peut s’installer encore lorsque les cendres du grand-père trônent au-dessus de la cheminée… Quant à savoir si la mort est une illusion ou une réalité, il n’y a pas de réponse toute faite dans la mesure où personne n’a refait le chemin inverse… Si ce n’est le Christ, à la différence près que ses disciples ne l’ont pas reconnu tout de suite. Ce qui tendrait à prouver qu’une transformation s’est quand même effectuée. Mais nous rentrerions ici dans le domaine de la croyance qui relève de l’intimité de chacun. En revanche, tant que nous sommes vivants, il s’agit de ne pas se laisser invalider par la peur de la mort : La peur de la mort est une illusion, affirme encore Arnaud Desjardins, ne vous troublez pas avec la peur de la mort. Ce qui est vraiment important, c’est de vous libérer de la peur de vivre ! S’interroger sur les obstacles qui nous empêchent de vivre pleinement est donc essentiel. D’autant que nous avons tous en nous les ressources nécessaires pour mourir à nos angoisses existentielles afin d’accueillir le mystère du devenir de la vie. Pour cela, il suffit juste de pousser un peu la porte de nos certitudes…

Gérard Guny

Source: bibliothèque et médiathèque de la vie!

La Toussaint et le Jour des Morts

calaveras 3

La Toussaint (1 Novembre) est une fête Catholique Romaine qui précède le jour des morts.

Le 2 novembre est une fête traditionnelle au Mexique, sûrement une des plus importantes et de plus belles. Tous les cimetières sont décorés, chaque famille apporte à ses défunts ses plats préférés, son Tequila ou Mezcal, ses fleurs et les Calaveras.

Chaque année, je vous propose un article autour de ce jour sacré, je vous invite à les relire et à regarder cette petite vidéo qui illustre bien le monde poétique  de Tim Burton sur la Danse macabre de  Camille Saint Saëns.

  

Amitiés, Claude Sarfati.

Une pensée pour nos défunts…

Amitiés à vous tous : Claude Sarfati.