Le désir est un exil (Arnaud Desjardins)

Voici un extrait d’un livre d’Arnaud Desjardins, suivi d’un enregistrement avec Swami Vijayananda

…Le désir est un exil. Il ne vous permet pas de demeurer immobiles en vous-mêmes. Si vous voulez méditer, vous constaterez la pression des associations d’idées ; tôt ou tard, vous serez arrachés à cette méditation et la demande réapparaîtra aussi forte. Alors, que pouvez-vous faire pour accomplir ce désir ?

Examinez un désir plus circonstancié, moins important que celui de rencontrer le compagnon de votre vie : j’ai envie de voir ce film ce soir, on m’en a parlé, ça m’intéresse. Donc je mets momentanément mon bonheur dans le fait de voir ce film ; et, si un contretemps m’empêche d’aller au cinéma, il y a quelque peu souffrance (trouvez un exemple qui soit à peu près probant par rapport à vos propres mécanismes). Pouvez-vous aisément renoncer à voir le film et chercher le succès de votre soirée dans la seule méditation ? Après avoir pris de grandes résolutions concernant la séance de 20 heures, pour finir vous irez à la séance de 22 heures ! Ce simple désir de voir un film ne vous laisse pas « être ». Un élément adventice se rajoute à « être » : « il faut que je voie le film. » bien ! Pourquoi ce film-là plutôt qu’un autre ? Pourquoi ce soir-là ? On vous en a parlé élogieusement et il y a attirance. Aucun mouvement ne s’avère possible si une attraction ne s’exerce pas. Etre séparé du film qui vous attire est ressenti comme une souffrance ; être uni à ce qui vous attire est ressenti comme une souffrance ; être uni à ce qui vous attire est ressenti comme heureux. Vous éprouvez une tension et vous décidez donc d’aller voir le film.

Premier point : je ne gâche pas tout le trajet que je fais pour aller jusqu’à la salle en ne vivant qu’en fonction du film. Ici et maintenant, je suis en train de descendre de chez moi ; ici et maintenant, je suis en train de monter dans le métro, je suis en train de faire la queue sur le trottoir, je suis dans la salle, le film n’est pas commencé mais je sais que je suis là et pourquoi j’y suis. Voyez bien, au moment même où vous vivez un événement aussi simple, ce dont est faite votre existence. Je suis venu dans cette salle de cinéma parce que je tiens compte de ce désir mais je n’en suis plus dupe comme autrefois. Je sais que, si ce désir est bien accompli, consciemment unifié, une tension va tomber et que je vais me retrouver tout simplement en moi-même. Et la joie que je vais éprouver ne découle pas exactement du bonheur d’avoir vu le film ; c’est la joie qui émane de l’être et se révèle quand une tension a disparu.

Voilà la vraie compréhension nécessaire. Elle ne peut venir que si vous avez la véritable expérience, bhoga, de ce que vous êtes en train de vivre au lieu d’être simplement attiré par le film, de vous précipiter, d’être furieux si la séance est complète et qu’il faut attendre la suivante, de regarder le film : « ça me plaît, c’est merveilleux, je rentre chez moi, quelle belle soirée… ».

Ce n’est que sukha, l’opposé de dhukha. Vous n’avez rien vécu vraiment, cela ne peut pas vous faire progresser et le mécanisme de tension qui vous arrache à la plénitude du centre de vous-mêmes se poursuivra indéfiniment. Vous mourrez en proie à ce mécanisme.

Et, à en croire les Hindous et les Bouddhistes, cette poursuite aveugle des désirs va inévitablement continuer à vous obliger à reprendre une autre incarnation en fonction des lois du karma pour expérimenter à nouveau ce que vous avez mal vécu, jusqu’à ce qu’un jour vous le viviez enfin en pleine lumière.

En inde, on qualifie ces expériences tronquées d’upa bhoga, fausse satisfaction, correspondant non pas à ananda mais simplement à sukha : « ah, c’était réussi ! Ah, quel bonheur ! Ah, c’est merveilleux ! » Et puis ? Il n’y a rien de réel dans cette expérience. Vous êtes emportés, identifiés, et vous manquez la véritable détente qui vous ramène à votre propre soi.

Cette fausse satisfaction ne fait que mettre de l’huile sur le feu des désirs. Un désir en entraîne un autre, comme une réaction en chaîne. Une fois installé au cinéma, il vous faut absolument un esquimau. Ou vous allez peut-être remarquer à côté de vous un homme très élégamment habillé et vous aurez envie d’avoir la même veste en daim que la sienne. Vous êtes sorti ce soir pour satisfaire un désir de spectacle et voici que le simple fait d’aller au cinéma réactive maintenant en vous une vieille vasana d’élégance. Cinq sièges plus loin une femme assez belle, visiblement seule, ranime certaines rêveries : « je lui adresse la parole ? Non…Si… » Et pour couronner le tout, le film lui-même aura réveillé en vous une série de désirs d’aventure ou de possession, sans parler des publicités de l’entracte dont c’est le but avoué.

Vous allez au cinéma parce qu’une certaine tension ne vous permet pas de reposer dans votre propre plénitude, votre propre ananda ; et le simple fait d’aller au cinéma va faire encore naître une dizaine de désirs nouveaux que vous cherchez ou non à accomplir mais qui, de toute façon, vous auront encore exilés de ce complet relâchement de toutes les tensions. Ainsi va la vie : par moments heureux, par moments malheureux. Vous trouvez votre existence tantôt agréable, tantôt pénible, mais elle ne vous apporte aucune expérience réelle. Il s’agit d’une voie sans issue qui ne conduit nulle part, si ce n’est à vieillir et, le moment venu, à mourir.

Tous ces désirs ne disparaîtront pas du jour au lendemain. Vous devez en tenir compte parce que c’est une entreprise dangereuse que de chercher à les nier. Mais, si vous êtes tant soit peu convaincus par la distinction que j’établis entre sukha et ananda, ces deux formes de satisfactions qui différent en qualité, au milieu de tous vos désirs grandira la nostalgie de ce silence intérieur. Vous commencerez à ressentir une réelle aspiration au bonheur non dépendant : j’ai compris que les désirs représentent une tension et comme je ne peux m’établir et demeurer que dans une situation de détente, cette tension porte en elle la nécessité de se relâcher. Me voilà donc tendu, selon la loi de l’attraction et de la répulsion. Mais je ne suis plus dupe comme je l’ai été si longtemps et je ne crois plus qu’il n’y a rien d’autre pour me conduire au bonheur que la satisfaction des désirs et la tentative d’éviter les événements malheureux ou de les faire cesser le plus vite possible. Je suis toujours à la recherche du bonheur comme je l’ai été depuis ma naissance, mais j’entreprends plus cette recherche dans la même optique…

Arnaud Desjardins

La voie du cœur (pages 209 à 212)

Editions De La Table Ronde

Bonne lecture, bon dimanche.

Amitiés: Claude Sarfati.

Les nourritures d’impressions (A.Desjardins)

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…Mais ce qui est moins habituel, c’est de considérer que nous nous nourrissons aussi au niveau psychique émotionnel, intellectuel. Les différents corps – le corps physique, le corps subtil et à un niveau plus subtil encore, le corps causal –  peuvent être nourris, donc avoir une croissance. De même que pour l’alimentation ordinaire du corps physique, un processus qui comprend l’absorption, la transformation et l’assimilation est à l’œuvre au niveau des corps intérieurs. Et la même question se pose ici : comment est-ce que je transforme toutes les « nourritures d’impressions » en mon propre être ? L’ancienne tradition à laquelle je me réfère – qu’il s’agisse de l’enseignement de Gurdjieff ou du Yoga-vedanta – propose une réflexion très profonde sur la façon de nourrir ces différents corps afin de favoriser leur croissance. Une bonne compréhension de la façon dont ces nourritures d’impressions peuvent être transformées et assimilées va permettre une croissance intérieure dans l’échelle des niveaux d’être, des niveaux de conscience. D’autre part, le disciple qui s’est éveillé en nous constitue, au début de notre sadhana, un contrepoids bien fragile face à la force de nos désirs, de nos peurs et de nos conditionnements. C’est pourquoi cet aspect particulier de nous-mêmes a besoin d’être nourri pour croître et se développer.

Il y a deux idées à comprendre : l’une est que les nourritures nous apportent une énergie nécessaire au déploiement de nos activités quotidiennes. Pour faire du jardinage, nous consommons de l’énergie physique ; pour résoudre des problèmes mathématiques, nous consommons de l’énergie intellectuelle. Quant aux émotions, elles consomment tout à fait inutilement une énorme quantité d’énergie. Mais en même temps, si la nourriture « matérielle » a construit peu à peu notre corps physique, les nourritures d’impressions peuvent soutenir la croissance de notre corps subtil et permettre de constituer en nous une structure intérieure qui va cristalliser et nous amener à fonctionner à un tout autre niveau. C’est ce que l’on appelle croissance intérieure, croissance de l’être…

Arnaud Desjardins

Véronique Desjardins

La traversée vers l’autre rive

Editions Accarias

Bonne lecture, bon dimanche : Claude Sarfati

L’enfant de coeur (Arnaud Desjardins)

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Arnaud Desjardins est né en 1925. Réalisateur à la Télévision française pendant vingt-deux ans, grand reporter en Asie, membre de la société des explorateurs français, il se fait connaître dans les années soixante par une série de reportages inédits sur le bouddhisme tibétain, les ashrams hindous, les monastères zen du japon et les confréries soufies d’Afghanistan, ainsi que par ses premiers ouvrages, Ashrams, les Yogis et les Sages et Le Message des Tibétains.

Ses rencontres avec les maîtres des différentes traditions lui permettent d’approfondir sa propre quête spirituelle jusqu’au jour où il s’engage auprès de celui qui deviendra son maître, Swâmi Prajnanpad. Durant neuf années consécutives, il effectue auprès de ce maître Bengali, des séjours réguliers jusqu’à ce qu’une transformation radicale s’opère en lui.

En 1974, à la mort de Swâmi Prajnanpad, il estime devenir enfin le disciple de ce maître, n’étant jusque là qu’un élève!
il se retire dans le centre de la France pour partager avec quelques lecteurs de ses livres son expérience et assumer à son tour le rôle de guide.
Trois lieux jalonnent son parcours d’instructeur, le Bost en Auvergne, puis Font-d’Isière dans le Gard, et enfin Hauteville en Ardèche

Son enseignement

1 – libre de l’Ego

Dans l’adyatmayoga, l’enseignement de Swâmi Prajnanpad : le fondement de ce qu’on appelle « vie spirituelle » est une connaissance profonde  la psychologie, c’est-à-dire la connaissance du mental, qui englobe pensées et émotions. Mais la comparaison s’arrête là, car si le but en psychologie est de se connaître et d’essayer de mieux fonctionner, dans l’adyatmayoga, on bascule dans la métapsychologie, qui explore l’inconscient bien au delà de ce que permet la psychologie, et  qui recherche l’effacement de l’ego.
Le but étant de devenir  libre de l’Ego.
L’Ego est la somme de nos caractéristiques, le mental est notre attachement à cela!

2 – libre des désirs

Essentiel, mais difficile, car il est inadmissible pour l’homme moderne de concevoir une réalité où son individualité n’aurait plus de place. Le paradoxe est le suivant : chaque être est unique, mais chacun voudrait inconsciemment que l’autre lui ressemble, qu’il agisse en conformité avec ses désirs.
Du refus de la différence naît la dualité et donc la souffrance.
Le travail consiste donc à rechercher l’unité, à ne faire qu’un avec l’univers, car l’énergie est unique. Pour cela il ne faut pas tenter de « tuer » l’ego mais, au contraire  assumer  et vivre CONSCIEMMENT ses désirs .
Puis réaliser que la plénitude parfaite et durable ne peut être atteinte . Alors, seulement, les désirs tombent d’eux-mêmes. « La disparition de l’ego consiste en une mort à soi-même tel que nous nous connaissons aujourd’hui, une mort et une résurrection déjà si totales, que la mort du corps physique n’y enlève rien. »

3 – Libre des émotions

Les émotions définissent l’ego.  « J’aime ou j’aime pas » (le pêché originel) est source de joies et de souffrances. La libération des émotions consiste à s’affranchir de ces réactions  émotionnelles: une chose n’est ni belle ni laide, elle est ce qu’elle est, tout simplement.
Sans émotions, est-on encore vivant ? « Oui, répond Arnaud Desjardins, car la mort de l’ego est la véritable naissance, la découverte de ce qui est au fond de nous. » C’est l’éclatement de la prison étroite du « je » qui libère une perception plus juste du monde.
Ainsi, on n’est capable de sentiments qu’en abandonnant les émotions.

4 – Voir !

Être présent, attentif, conscient, savoir à chaque instant ce qui se passe en nous et autour de nous. Seule cette attitude permet de Voir ce qui est, ce qui est Réel, et non la transposition de souvenirs passés intervenants dans le présent
Cette aptitude de vigilance se développe et croît peu à peu par l’exercice de la méditation. Seule la vigilance permet de ne plus se laisser emporter par les émotions. Cette attitude n’a rien de spectaculaire mais elle change tout. Ces moments de conscience, Arnaud Desjardins les appelle des « souvenirs » : on se souvient de soi-même, de son but, du sens de sa vie, et on reste maître de soi.

5 – Trouver son maître

Comme en thérapie, on ne peut s’engager sur les chemins de la sagesse sans être guidé par un être d’expérience ayant fait le chemin. Il stimule, bouscule, écoute et répond aux questions. « Si une personne ne réunit pas ces compétences, elle n’est en aucun cas un maître, mais un de ces aveugles guidant les aveugles… » Le maître ne révèle pas sa qualité par des prodiges spectaculaires, mais par sa réponse à une demande juste. Comment trouver son maître ? Par recommandation, en lisant des livres sur le sujet, au gré de retraites, etc. Puis le disciple s’arrête à celui qu’il reconnaît comme tel.
Mais le plus important n’est pas « d’avoir un maître », mais bien « d’être un disciple »

Source: L’enfant de coeur

Bonne lecture, bon dimanche: Claude Sarfati

Etre, c’est être libre d’avoir (A. Desjardins)

MAIN-TERRE

Il est des mots qui résonnent, font écho en nous, traversent notre corps et notre esprit.

Des mots qui nous libèrent au moment où nous sommes prêts à les intégrer.

Les mots sont vivants, ils ont le pouvoir de nous transformer, de nous rendre meilleur.

Comprendre la nature de notre attachement à « l’avoir », c’est déjà commencer le processus de la déconstruction.

Libérés de nos attachements, que reste-t-il ?

Arnaud Desjardins  auprès de Svami Prajnanpad à appris le sacrifice salvateur du renoncement.

Bon dimanche: Claude Sarfati

La mort, une illusion ?

Il suffit de regarder nos photos de famille pour se rendre compte que ce que nous avons été n’est plus. Notre corps d’enfant a disparu pour laisser la place à un corps d’adulte. Pourtant, nous avons la conscience de la permanence de notre être malgré ces changements de formes.

L’expression de Lavoisier, célèbre savant du XVIIIème siècle, “ Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ”, tendrait à montrer que l’angoisse que nous procure l’idée de la mort est intimement liée à une notion illusoire de perte. Ainsi, la mort faisant naturellement partie de la vie, avoir peur de mourir peut entraîner un refus de vivre. Arnaud Desjardins, ex-réalisateur de télévision, soutient cette thèse dans son ouvrage “ L’audace de vivre ”. Il écrit : Oser vivre, c’est oser mourir à chaque instant mais c’est également oser naître…

Ce que nous apprend le mythe
À en croire Otto Rank, psychanalyste autrichien du siècle dernier, auteur du livre  » Le traumatisme de la naissance  » , nous sommes tous marqués par cet événement originel, nommé aussi angoisse de dissociation. Le sentiment de perte est déjà inscrit en nous à ce moment-là, alors que la réalité nous montre que nous n’avons absolument rien perdu. Au contraire, nous avons gagné en indépendance. De fait, si nous abordions la mort dans cette perspective d’individuation, peut-être la faucheuse perdrait-elle son aspect terrifiant… D’ailleurs, dans la mythologie grecque, Thanatos, personnification de la mort, est fille de la nuit et sœur du sommeil. Comme sa mère, elle a la faculté de régénérer. Ambivalente, elle est liée à la symbolique de la terre. Il ne faut donc pas y voir seulement le côté négatif, même si c’est l’une de ses réalités. Mais plutôt considérer son aspect évolutif. Les psychologues, en accord avec le mythe, savent qu’en tout être humain une tension existe entre les pulsions de vie et les pulsions de mort. La mort n’est donc pas envisagée par ceux-ci comme une fin en soi mais comme la condition même de l’évolution des choses.

Une résistance au changement
Mors janua vitae, dit la locution latine : La mort porte la vie. D’ailleurs, que de progrès avons-nous faits en abandonnant une situation qui n’avait plus de sens : une conduite addictive, une liaison conflictuelle, un travail aliénant, etc… Sophie raconte : Il y a très longtemps que je savais que ma dépendance à la cigarette n’était pas bonne. Pourtant je m’accrochais à elle, ayant l’impression d’être incapable de vivre sans. Jusqu’au jour où j’ai compris, avec l’aide d’un thérapeute, que le tabac m’empêchait de me réaliser pleinement dans ma passion, la musique. En fait, le symptôme cachait ma résistance à abandonner mon métier d’enseignante, un métier sécurisant où le salaire était assuré mais qui n’était fait que de compromis. La pratique de mon instrument, la clarinette, demandait une qualité de souffle que je ne m’autorisais pas à avoir en fumant. À partir de là, j’ai accepté de faire le deuil d’une cigarette par semaine, puis deux, et ainsi de suite… Jusqu’à ne plus fumer. Parallèlement, j’ai rencontré Clément, chef d’orchestre, qui m’a assurée de mes compétences artistiques et proposé une place dans sa formation, à condition de reprendre mes études musicales là où je les avais laissées. Aujourd’hui, je suis en passe d’abandonner mon métier pour vivre ma passion. Autant vous dire que la cigarette a complètement disparu de ma vie…

Sentiment de manque et sage questionnement
Ce n’est pas notre propre mort qui nous angoisse mais plutôt le sentiment de vide. Nous souffrons de la perte d’un être cher parce qu’il nous manque, qu’il nous rappelle que nous aussi sommes mortels et qu’il faudra un jour quitter tout ce à quoi nous sommes attachés. Cela va de notre compte en banque jusqu’à notre corps physique ! La notion de temps est ici très importante. Nous avons une vie entière pour expérimenter ce manque en tant qu’il peut être dépassé. C’est tout le sens du travail de deuil qui permet toujours de passer à autre chose. Or, notre société a tendance à occulter ce temps. Aujourd’hui, il faut aller très vite. On meurt plutôt à l’hôpital, le corps est rapidement écarté de la vue, il n’y a parfois pas de veillée mortuaire. Sous prétexte de modernité, la mode est à la crémation, nous coupant de nos racines culturelles et même aussi de lieux symboliques dédiés aux défunts. La confusion mort/vie peut s’installer encore lorsque les cendres du grand-père trônent au-dessus de la cheminée… Quant à savoir si la mort est une illusion ou une réalité, il n’y a pas de réponse toute faite dans la mesure où personne n’a refait le chemin inverse… Si ce n’est le Christ, à la différence près que ses disciples ne l’ont pas reconnu tout de suite. Ce qui tendrait à prouver qu’une transformation s’est quand même effectuée. Mais nous rentrerions ici dans le domaine de la croyance qui relève de l’intimité de chacun. En revanche, tant que nous sommes vivants, il s’agit de ne pas se laisser invalider par la peur de la mort : La peur de la mort est une illusion, affirme encore Arnaud Desjardins, ne vous troublez pas avec la peur de la mort. Ce qui est vraiment important, c’est de vous libérer de la peur de vivre ! S’interroger sur les obstacles qui nous empêchent de vivre pleinement est donc essentiel. D’autant que nous avons tous en nous les ressources nécessaires pour mourir à nos angoisses existentielles afin d’accueillir le mystère du devenir de la vie. Pour cela, il suffit juste de pousser un peu la porte de nos certitudes…

Gérard Guny

Source: bibliothèque et médiathèque de la vie!