La mort, une illusion ?

Il suffit de regarder nos photos de famille pour se rendre compte que ce que nous avons été n’est plus. Notre corps d’enfant a disparu pour laisser la place à un corps d’adulte. Pourtant, nous avons la conscience de la permanence de notre être malgré ces changements de formes.

L’expression de Lavoisier, célèbre savant du XVIIIème siècle, “ Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme ”, tendrait à montrer que l’angoisse que nous procure l’idée de la mort est intimement liée à une notion illusoire de perte. Ainsi, la mort faisant naturellement partie de la vie, avoir peur de mourir peut entraîner un refus de vivre. Arnaud Desjardins, ex-réalisateur de télévision, soutient cette thèse dans son ouvrage “ L’audace de vivre ”. Il écrit : Oser vivre, c’est oser mourir à chaque instant mais c’est également oser naître…

Ce que nous apprend le mythe
À en croire Otto Rank, psychanalyste autrichien du siècle dernier, auteur du livre  » Le traumatisme de la naissance  » , nous sommes tous marqués par cet événement originel, nommé aussi angoisse de dissociation. Le sentiment de perte est déjà inscrit en nous à ce moment-là, alors que la réalité nous montre que nous n’avons absolument rien perdu. Au contraire, nous avons gagné en indépendance. De fait, si nous abordions la mort dans cette perspective d’individuation, peut-être la faucheuse perdrait-elle son aspect terrifiant… D’ailleurs, dans la mythologie grecque, Thanatos, personnification de la mort, est fille de la nuit et sœur du sommeil. Comme sa mère, elle a la faculté de régénérer. Ambivalente, elle est liée à la symbolique de la terre. Il ne faut donc pas y voir seulement le côté négatif, même si c’est l’une de ses réalités. Mais plutôt considérer son aspect évolutif. Les psychologues, en accord avec le mythe, savent qu’en tout être humain une tension existe entre les pulsions de vie et les pulsions de mort. La mort n’est donc pas envisagée par ceux-ci comme une fin en soi mais comme la condition même de l’évolution des choses.

Une résistance au changement
Mors janua vitae, dit la locution latine : La mort porte la vie. D’ailleurs, que de progrès avons-nous faits en abandonnant une situation qui n’avait plus de sens : une conduite addictive, une liaison conflictuelle, un travail aliénant, etc… Sophie raconte : Il y a très longtemps que je savais que ma dépendance à la cigarette n’était pas bonne. Pourtant je m’accrochais à elle, ayant l’impression d’être incapable de vivre sans. Jusqu’au jour où j’ai compris, avec l’aide d’un thérapeute, que le tabac m’empêchait de me réaliser pleinement dans ma passion, la musique. En fait, le symptôme cachait ma résistance à abandonner mon métier d’enseignante, un métier sécurisant où le salaire était assuré mais qui n’était fait que de compromis. La pratique de mon instrument, la clarinette, demandait une qualité de souffle que je ne m’autorisais pas à avoir en fumant. À partir de là, j’ai accepté de faire le deuil d’une cigarette par semaine, puis deux, et ainsi de suite… Jusqu’à ne plus fumer. Parallèlement, j’ai rencontré Clément, chef d’orchestre, qui m’a assurée de mes compétences artistiques et proposé une place dans sa formation, à condition de reprendre mes études musicales là où je les avais laissées. Aujourd’hui, je suis en passe d’abandonner mon métier pour vivre ma passion. Autant vous dire que la cigarette a complètement disparu de ma vie…

Sentiment de manque et sage questionnement
Ce n’est pas notre propre mort qui nous angoisse mais plutôt le sentiment de vide. Nous souffrons de la perte d’un être cher parce qu’il nous manque, qu’il nous rappelle que nous aussi sommes mortels et qu’il faudra un jour quitter tout ce à quoi nous sommes attachés. Cela va de notre compte en banque jusqu’à notre corps physique ! La notion de temps est ici très importante. Nous avons une vie entière pour expérimenter ce manque en tant qu’il peut être dépassé. C’est tout le sens du travail de deuil qui permet toujours de passer à autre chose. Or, notre société a tendance à occulter ce temps. Aujourd’hui, il faut aller très vite. On meurt plutôt à l’hôpital, le corps est rapidement écarté de la vue, il n’y a parfois pas de veillée mortuaire. Sous prétexte de modernité, la mode est à la crémation, nous coupant de nos racines culturelles et même aussi de lieux symboliques dédiés aux défunts. La confusion mort/vie peut s’installer encore lorsque les cendres du grand-père trônent au-dessus de la cheminée… Quant à savoir si la mort est une illusion ou une réalité, il n’y a pas de réponse toute faite dans la mesure où personne n’a refait le chemin inverse… Si ce n’est le Christ, à la différence près que ses disciples ne l’ont pas reconnu tout de suite. Ce qui tendrait à prouver qu’une transformation s’est quand même effectuée. Mais nous rentrerions ici dans le domaine de la croyance qui relève de l’intimité de chacun. En revanche, tant que nous sommes vivants, il s’agit de ne pas se laisser invalider par la peur de la mort : La peur de la mort est une illusion, affirme encore Arnaud Desjardins, ne vous troublez pas avec la peur de la mort. Ce qui est vraiment important, c’est de vous libérer de la peur de vivre ! S’interroger sur les obstacles qui nous empêchent de vivre pleinement est donc essentiel. D’autant que nous avons tous en nous les ressources nécessaires pour mourir à nos angoisses existentielles afin d’accueillir le mystère du devenir de la vie. Pour cela, il suffit juste de pousser un peu la porte de nos certitudes…

Gérard Guny

Source: bibliothèque et médiathèque de la vie!

La fascination des biens matériels

jacques vigne

(Vijayânanda trouve cette histoire si importante qu’il dit en souriant qu’on devrait l’afficher dans toutes les chambres de tous les âshram…)

Il était une fois un guru qui avait un très bon disciple, un brahmacharin qui était inspiré par l’esprit de renoncement: il ne possédait rien, si ce n’est un ‘kupinam’ (un caleçon). Un jour, son guru lui dit: « Tu vas te rendre dans un endroit isolé pour l’y consacrer à la méditation. Je te donnerai un mantra et je viendrai voir dans quelques années comment ça va. » Alors notre jeune homme est parti et s’est mis à pratiquer la méditation selon les instructions de son guru. Son programme journalier était le suivant: le matin il se levait, lavait son kupinam, le faisait sécher sur l’herbe, puis commençait sa méditation. Ensuite, vêtu de son seul kupinam, il allait au village pour mendier sa nourriture; il revenait pour le repas et s’asseyait de nouveau pour la méditation. Un jour, un rat ou une souris fit des trous dans son kupinam. Notre brahmacharin était désespéré; c’était sa seule possession. Il l’a raccommodé tant bien que mal et, en mendiant sa nourriture au village, il a dit aux gens qu’il n’avait plus de kupinam. Les villageois lui dirent: « Cela ne fait rien, on va te donner un autre kupinam ! » Ainsi fut fait. Il était tout à fait heureux avec son nouveau kupinam, et il a recommencé son programme journalier. Quelques jours après, la même histoire s’est reproduite. Une souris a de nouveau fait des trous à son kupinam; il va de nouveau au village et redemande un kupinam que les villageois lui ont volontiers donné. Cette histoire est arrivée deux ou trois fois. Finalement, les gens se sont fatigués et lui ont dit: « Bâbâ, on ne va pas te donner tous les jours un nouveau kupinam ! On va te donner un chat, tu le garderas près de toi, le chat chassera les souris et celles-ci ne viendront plus manger ton kupinam ! » Le brahmachârin a alors emmené son chat, et les souris se sont éloignées. Il était tout heureux, son kupinam n’était plus déchiré par les souris. Seulement voilà, il y avait un autre problème. Il fallait nourrir le chat, lui donner du lait. De ce fait, quand il allait au village, il demandait aux gens: « S’il vous plaît, donnez-moi aussi un peu de lait pour mon chat. » Les villageois lui ont donné volontiers du lait pour le chat. Cela s’est reproduit plusieurs jours, pendant une semaine ou deux, et les villageois ont fini par se fatiguer. « Eh, Bâbâ, on ne va pas te donner tous les jours du lait ! On va te donner une vache, tu vas la traire et tu auras du lait pour nourrir ton chat. » Alors il a emmené la vache, a appris à la traire et ainsi il a eu du lait tous les jours pour lui et pour son chat. Mais un nouveau problème est apparu: il fallait nourrir la vache. Quand il allait mendier, il demandait aux villageois de lui donner du foin pour nourrir sa vache. Les villageois lui ont d’abord donné du foin, puis finalement se sont lassés et lui ont dit: « Eh, Bâbâ, on ne va pas toujours te donner du foin ! Il y a des terres en friche près de ton âshram. Tu vas les cultiver, on va te donner du blé à semer, il va pousser, tu auras du blé pour faire tes roti (Roti, galette de froment), et tu auras de la paille pour ta vache. Alors il a dit oui, car il était obéissant et très influençable, comme beaucoup de brahmachârin et de sâdhu. Il a fait cela, récolté son blé, en a semé une partie à nouveau, a commencé à stocker de la paille. Finalement, au cours des années, il n’a plus pu faire le travail lui-même. Il a dû demander aux villageois des hommes pour l’aider. Au début, ils lui en ont donné, mais après ils lui ont dit: « Bâbâ, on va te donner une femme, tu vas te marier avec elle, elle t’aidera, elle te donnera des enfants et les enfants t’aideront à leur tour. » C’est ce qu’il a fait, et petit à petit son âshram s’est transformé en une grande propriété, avec des greniers pour le foin et le blé, des ouvriers comme dans une entreprise. Un jour, son guru est venu. Il a vu la ferme, avec des gens occupés à droite et à gauche. Il a demandé à un homme: « Dis donc, j’avais mis un brahmachârin ici, qu’est-il devenu ? Est-il parti ? » L’homme répondit: « Non, non, il est debout là-bas. » Notre brahmachârin était habillé comme tout le monde, il donnait des ordres à ses ouvriers. Son guru s’est approché de lui. Quand le brahmachârin l’a vu, il est tombé à genoux et a dit: « Guruji, regardez ! Tout ça, c’est à cause d’un kupinam ! »

Source :                                                                                   VIJAYANANDA

 

 UN FRANCAIS DANS L’HIMALAYA

 ITINERAIRE AVEC MA ANANDAMAYI

Textes rassemblés et présentés par Vigyânânand (Jacques Vigne

Bonne lecture, bonne écoute, bon dimanche: Claude Sarfati.

La bonne mesure avec le Yi King

 

Pour m’aider à  prendre les bonnes décisions  professionnelles dans cette nouvelle année, j’ai consulté le Yi King.

J’ai formulé ma question ainsi:

Que me conseille le Yi King concernant mon travail?

La première difficulté lorsque l’on veut interroger  l’oracle est la formulation de la question.

Au moment de l’écrire, tout en essayant d’être concis, synthétique, nous sommes envahis par une foule de questions, si proches les unes des autres que j’appellerai cela, une famille de questions.

C’est sûrement la raison de la lenteur du tirage traditionnel chinois à l’aide des baguettes d’achillée.

Cette technique, très ancienne mais toujours pratiquée demande un long moment pour fabriquer son hexagramme. Ce temps nous ramène au temps de la méditation prisée par les Orientaux.

Poser sa question en prenant le temps nécessaire, c’est déjà sortir du temps ordinaire pour entrer dans celui du Yi King. Le sens de la méditation est d’ailleurs expliqué par le Yi King à l’hexagramme n° 20: La contemplation.

La méditation ce n’est pas cesser de penser mais agrandir sa pensée, penser avec le regard à l’intérieur, à l’extérieur de soi. Penser avec sa peau qui capte des milliards de choses, penser avec son nez, ses yeux, sa bouche, son cœur. Rendre l’espace de sa pensée si vaste qu’elle est la méditation.

J’ai fait le tirage sur mon site, malgré l’aspect très aléatoire d’un tirage de Yi King sur Internet, par expérience, je peux vous affirmer que cela fonctionne et même très bien.

La réponse est la suivante: Tsie / La limitation, hexagramme 60 avec deux traits mutants à la deuxième et quatrième ligne. La mutation de ces deux traits donne l’hexagramme de perspective: Souei / La suite, hexagramme 17.

La limitation signifie donner un cadre à son action, définir ses objectifs, ses priorités, ses possibilités.

Il s’agit de trouver l’équilibre entre une limite trop sévère, trop contraignante qui inspirerait de l’amertume, de la contrariété et une limite trop laxiste qui ferait éclater le cadre.

L’objectif, est de continuer à proposer à ma mesure du travail de  qualité tout en tenant compte du moment particulier que nous traversons.

Cette fameuse Crise, sociétale, économique, politique, psychologique, environnementale, etc.

Ce n’est plus une Crise, c’est un bouleversement profond, spirituel, qui vient ébranler tout notre être.

Les priorités, c’est le Yi King, depuis 32 ans que j’ai croisé la voie de l’oncle Li, il est resté mon ami. De longtemps mon aîné, certes, mais un noble ami philosophe riche des ses 5000 ans et des ses dix mille façons d’être, de s’exprimer.

L’hexagramme nucléaire (que j’appelle le moteur de la situation, ce qui la motive) est: Yi / La nourriture, hexagramme 27.

 
Nous sommes ce que l’on nourrit en nous, la nourriture alimentaire évidemment, mais aussi la nourriture de l’esprit et des sens. La nourriture d’impression comme l’appelait Arnaud Desjardins.

Donc, reprenons, à la question: Que me conseille le Yi King dans mon travail? il m’est répondu: Yi / La mesure ou La limitation dont l’hexagramme nucléaire est Yi / La nourriture.

Ce qui nourrit mon esprit concernant le travail qui m’occupe, c’est en grande partie le Yi King. C’est donc cela qui m’est conseillé de transmettre en priorité, pour cela, il m’est conseillé d’agir dans un cadre qui ne soit pas trop rigide mais équilibré, allons voir les traits mutants:

 Vieux Yang (9) à la deuxième place:

Ne pas sortir apporte l’infortune

Chassez  vos hésitations: ne cultivez ni le doute ni de l’anxiété. Il est temps d’ agir et de le faire sans tarder ni tergiverser. Si vous ne saisissez pas l’opportunité qui se présente, vous allez rater quelque chose.

Hexagramme dérivé: 3 / Les difficultés initiales. Si le second trait hésite, ne saisit pas l’occasion du mouvement, il inaugure une période de longue incertitude, un retard bien supérieur à ce qu’exige la limitation ; mais peut-être ses moyens sont-ils eux-mêmes limités ?

 Vieux Yin (6) à la quatrième place:

La limitation satisfaite

Utilisez vos aptitudes pour organiser une discipline autour d’elles, et vous réussirez. Si vous n’écoutez pas suffisamment votre nature, vous ne pourrez atteindre des objectifs qui vous contraignent trop.

Hexagramme dérivé: 58 / Le joyeux. Confirme une sereine acceptation des circonstances.

 Au deuxième trait (Yang), il m’est conseillé d’être prudent; faire des choix c’est toujours prendre des risques, mais le pire danger c’est de rester paralysé par la crainte des réactions que vont entraîner les décisions à prendre et laisser passer le train… Décider, c’est cesser d’hésiter et cela doit rester intérieur, aucun intérêt de communiquer ses hésitations…

 Au quatrième trait (Yin), il m’est conseillé , d’échanger de partager avec les autres. Un coup Yang, un coup Yin, c’est bien du Yi King. C’est comme un souffle: retiens tes hésitations, relâche ce qui veut s’exprimer, de manière naturellement organisée.

Voyons maintenant l’hexagramme de perspective: Souei / La suite

Un très bel hexagramme dont le nucléaire est Tsien / Le développement, hexagramme 53.

Souei / La suite, c’est le courant porteur,  la voie,  la sérénité.

Voici la synthèse que je propose:

Question: Que me conseille le Yi King concernant mon travail?

Le Yi King me conseille de mettre un cadre solide mais souple (comme le bambou) à une action qui doit être fondée sur des motivations substantielles, nourrissantes. Éviter l’hésitation, dialoguer pour entendre l’écho de ce qui doit naturellement être fait pour partager développement et bien-être.

Voilà la façon que j’ai choisie pour vous expliquer comment j’ai l’intention de traverser cette année 2014 au travers de quelques changements qui visent à rendre plus accessible ( financièrement par une modification à la baisse de mes tarifs, dans la compréhension par des analyses exigeantes mais plus simples, par mon implication totale pour mener à bonne fin un vrai partage).

 

Amitiés

Claude Sarfati

Arnaud Desjardins parle du libre arbitre

LA QUESTION DU LIBRE ARBITRE a été discutée à travers les siècles par tous les philosophes sans qu’aucune conclusion ne fasse l’unanimité. Et les plus grands sages de l’Inde paraissent se contredire, affirmant que tout est œuvre de la seule shakti (énergie divine) mais proposant une pratique personnelle qui met en jeu l’initiative individuelle.

Il y a une approche relative: est-ce que je peux gagner en liberté intime? Et il y a une approche radicale, plus délicate à comprendre car cette question du libre arbitre, nous la posons à partir de la conviction de l’ego individualisé- le moi et le non-moi – qui est une forme d’erreur fondamentale, Arthur Osborne, un disciple anglais de Ramana Maharshi qui a passé dix ans dans son ashram du vivant de celui-ci a écrit plusieurs livres, a utilisé une image du temps de la T.S.F. où les postes de radio étaient volumineux, avec de grosses lampes à l’intérieur. Imaginons, dit-il, qu’un indigène d’une tribu du fin fond de la forêt vierge, qui n’a jamais eu la moindre notion d’électricité ni la moindre idée de ce qu’est un poste de radio, entende une voix de femme qui sort de cette énorme boîte. Cette personne demande « la dame qui est dans la boîte, est-ce qu’elle décide des chansons qu’elle veut chanter » -auquel cas elle aurait un libre arbitre- « …ou est-ce qu’elles lui sont imposées? » La réponse se situe à un autre niveau: « il n’y a pas de dame dans la boîte. » Vous n’êtes pas beaucoup plus avancés, mais c’est un point de départ de réflexion: toute cette question du libre arbitre se pose à partir de la conviction de l’ego -moi, tout ce que je suis, tout ce que je ne suis pas, mon passé, mon futur, mes relations avec les autres- et cette identification à l’ego est une illusion dont on peut s’éveiller. Telle est la réponse ultime…

ARNAUD DESJARDINS

LA PAIX TOUJOURS PRESENTE

santé psychique et santé spirituelle

Editions: LA TABLE RONDE

Amitiès: Claude Sarfati

C’est la vraie naissance (Arnaud Desjardins)

« Plus nous aurons donné de sens à notre vie, moins nous éprouverons de regret à l’instant de la mort. L’avantage de développer une conscience de la mort, c’est que cela aide à donner un sens à la vie  » 

                                                                       Le Dalaï-Lama

Matra en sanscrit signifie mesure, mais ce mot matra se retrouve dans meter en anglais qui veut dire « mètre », et se retrouve aussi dans materia, la matière.

Cette révélation se situe avant tout dans le cœur comme un sentiment qui transcende la mesure.

Et c’est pourquoi les enseignements spirituels, qui ont tant dit sur la pauvreté, emploient si souvent le mot « richesse » ou le mot « trésor », aussi bien dans les textes hindous que dans les évangiles, le sentiment d’être milliardaire même si les circonstances de la vie nous proposent la pauvreté. Mais  même un « milliardaire » en dollars peut sentir une limite à sa fortune. Nous avons quitté le monde dominé par la mesure et où tout est chichement limité. La mesure ne concerne plus que l’apparence, la surface, le relatif, mais pour nous, la souffrance de la limitation s’est effacée, remplacée par ce sentiment d’infinie richesse, non dépendant de nos avoirs matériels ni même de nos avoir subtils.

Quand bien même les possessions, les propriétés, les biens matériels nous seraient enlevés, quand bien même l’avoir subtil, l’amitié, l’amour, le respect, l’admiration, tout ce à quoi nous pouvons être attachés aussi nous serait enlevé et même, en apparence, remplacé par l’attaque, la critique, le mépris, demeure ce sentiment d’accomplissement, de plénitude, de perfection.

D’un point de vue, cette naissance est une fin et une fin définitive, pour l’éternité, qui concerne même des existences futures ou des états à d’autres niveaux de l’être, des états subtils, post mortem. Comme le mot « fana » chez les soufis, qu’on traduit communément par « extinction », signifie fin, achèvement, comme un feu qui s’éteint. Une illusion, c’est le mot le plus connu et c’est probablement le meilleur, a pris fin. Plus qu’un éveil, c’est un réveil. Mais ce n’est pas seulement une fin, c’est aussi une naissance. C’est pourquoi tout le vocabulaire qui parle de la mort du vieil homme, « mourir à soi-même », la phrase soufie célèbre « heureux celui qui sera déjà mort à lui-même lorsque la mort le surprendra », toutes les paroles, toujours imparfaites qui, pour décrire ce passage d’un monde dans un autre s’expriment en termes de mort, sont justes. Et puisque nous avions cru à ce monde, puisque nous nous étions illusionnés, un être que nous avons connu jusqu’à quarante ans, cinquante ans, est mort.

Je ne sais pas quel pourrait être le sentiment d’un papillon qui regarderait la chrysalide éventrée dont il s’est échappé, mais le sentiment que celui qu’on a été est mort est évident. Et ce n’est pas seulement une mort, c’est une naissance, avec tout ce que cela représente pour l’avenir.

Ouvrez-vous, ouvrez-vous avec joie, ouvrez-vous avec espérance à ce que vous pouvez entendre concernant cette mort à soi-même, ce qui peut nous arriver de plus beau, de plus libérateur: que le vieil homme meure ou que l’égocentrisme meure. Mais c’est plus que cela, c’est vraiment « je suis mort ». On comprend que tant de sages aient parlé d’eux à la troisième personne, parce qu’il devient absurde de parler à la première personne.

Si vous êtes morts, pourquoi dites-vous, « je suis mort »? « Celui que j’ai bien connu, avec ses joies et ses souffrances, ses sottises, ses naïvetés et ses bons côtés aussi, que j’ai bien connu pendant tant d’années, est mort. »

C’est une merveilleuse mort à laquelle nous pouvons tous aspirer de tout notre être.

C’est une mort et c’est une naissance.

Et c’est la vraie naissance.

A votre avis, la vraie naissance, c’est celle de la chenille ou celle du papillon? La vraie naissance, c’est celle du gland qui se forme sur une branche et tombe à terre ou celle du chêne? La chenille est une naissance préparatoire. La naissance du corps physique et du corps subtil, de cet extraordinaire instrument de folie et de sagesse qu’est l’être humain, n’est pas la vraie naissance. La vraie naissance, c’est l’autre. Parce que cette première naissance du corps physique, elle, aura une fin. Je ne sait plus qui a dit « aussitôt qu’un bébé est né il est déjà assez vieux pour mourir. » Et la naissance que j’ose appeler la vraie naissance est une naissance dont on sait qu’elle n’aura pas de fin. Vous êtes libres de toute crainte ou appréhension de la mort, quelle que soit la forme que cette mort doive prendre. C’est la vraie naissance parce que c’est la naissance qui n’aura pas de fin. C’est dans cette existence qu’une chenille devient papillon ou qu’un gland devient chêne. Et c’est dans cette existence que nous pouvons mourir et naître. Les deux sont simultanés. Cette naissance est un achèvement et c’est un commencement, le commencement d’une vie nouvelle…

Arnaud Desjardins

La voie du cœur (pages 374 à 377)

Editions de LA TABLE RONDE

En ces jours où sa sainteté Le Dalaï-Lama est en France, Arnaud Dejardins à quitté son corps.

Une cérémonie aura lieu à Hauteville le 15 août 2011.

« Tout est nourriture et tout se nourrit, au niveau de la multiplicité. Au niveau de l’unique, éternel et infini océan, rien ne mange, rien n’est mangé. Et cela, vous pouvez le découvrir en vous. C’est la sécurité absolue. La mort, c’est simplement un aspect particulièrement important de

ce phénomène. Le corps physique est définitivement détruit, il a cessé de se nourrir et il va

servir de nourriture. Mais au plan subtil, les phénomènes se poursuivent. » 

                                                                                                      Arnaud Desjardins

Amitiés: Claude Sarfati