Chapitre XVIII. L’Homme véritable et l’homme transcendant

Tchenn-jen (chinois) ‘ l’homme véritable, est celui qui a atteint la plénitude de l’état humain.

Cheun-jen (chinois) ‘ l’homme transcendant, l’homme divin, l’homme spirituel, celui a a réalisé l’Identité Suprême. Il n’est plus un homme, au sens individuel de ce mot, puisqu’il a dépassé l’humanité et est entièrement affranchi de ses conditions spécifiques.

L’homme transcendant et l’homme véritable correspondent au terme des grands mystères et à celui des petits mystères, et sont les plus hauts degrés de la hiérarchie taoïste.

Les étapes des petits mystères taoïstes:

í tao-jen (l’homme de la Voie); í tcheu-jen (l’homme doué); í cheng-jen (l’homme sage).

La hiérarchie confucianiste comprend trois degrés:

ð cheu (le lettré); ð hien (le savant); ð cheng (le sage).

Il est dit: Le cheu regarde (prend pour modèle) le hien, le hien regarde le cheng, le cheng regarde le Ciel.

Aux yeux des hommes ordinaires, l’homme transcendant et l’homme véritables ne peuvent pas être distingués.

René Guénon, La grande triade (extraits)

Chapitre XVII. Le «Wang» ou le roi-pontife

Wang (chinois) = roi.

L’idéogramme wang est composée de trois traits horizontaux figurant respectivement le Ciel, l’Homme et la Terre, et unis en ouvre, en leur milieu, par un trait vertical, car, disent les étymologistes, «la fonction du Roi est d’unir».

Ce que ce caractère désigne proprement, c’est donc l’Homme en tant que terme médian de la Grande Triade, et envisagé spécialement dans son rôle de «médiateur»; nous ajouterons, pour plus de précision encore, que l’Homme ne doit pas être considéré ici seulement comme l’«homme primordial», mais bien comme l’«Homme Universel» lui-même …(pp. 144-145)

Tchoung-Tao ‘ Voie du Milieu.

En tant que le Wang s’identifie à l’axe vertical, celui-ci est désigné comme la «Voie Royale» (Wang-Tao); mais, d’autre part, ce même axe est aussi la «Voie du Ciel» (Tien-Tao) . (p. 147)

Wang est Pontifex, selon la plus rigoureuse étymologie du nom. Il est celui qui fait le pont et le pont lui-même par lequel s’opère la communication avec les états supérieurs.

C’est pourquoi nous pensons que l’expression de «Roi-Pontife» est la seule qui puisse rendre convenablement le terme Wang, parce qu’elle est la seule qui exprime complètement la fonction qu’il implique; et l’on voit ainsi que cette fonction présente un double aspect, car elle est à la fois, en réalité, une fonction sacerdotale et une fonction royale.“ (p. 149)

Le Roi-Pontife rappelle les Rois-Mages.

Le Wang a reçu le mandat du Ciel directement ou indirectement. Dans le dernier cas il remplit une fonction à la manière rituele, même s’il n’est pas préparé pour cela à intérieur.

De la même manière il existe une transmission de l’influence spirituelle ou barakah, par cette transmission, un Khalîfah peut tenir la place du Sheikh et remplir valablement sa fonction, sans pourtant être parvenu effectivement au même état spirituel que celui-ci.

René Guénon, La grande triade (extraits)

Chapitre XVI. Le Ming-tang

5 est le nombre central de la Terre. 6 est le nombre central du Ciel.

Il ne faut pas s’étonner de la situation centrale attribuée à l’Empire chinois par rapport au monde; il en fut toujours de même pour toute contrée où était établi le centre spirituel d’une tradition.

La contrée qui possédait un tel centre était par là même Terre Sainte, le point où se reflète directement l’activité du Ciel.

Si l’Empire chinois était une image de l’Univers, la même chose est Ming-tang, la maison de l’empereur. Certains sinologies l’ont appelée la Maison du Calendrier, mais la traduction littérale est Temple de la Lumière.

Tsing (chinois) = obscurité. Ming (chinois) = lumière.

… l’Empereur apparaissait proprement comme le «régulateur» de l’ordre cosmique même, ce qui suppose d’ailleurs l’union, en lui ou par son moyen, des influences célestes et des influences terrestres … (p. 142)

René Guénon,  »La grande triade » (extraits)

Chapitre XV. Entre l’équerre et le compas

Le compas et l’équerre correspondent symboliquement au cercle et au carré, c’est-à-dire aux figures géométriques qui représentent respectivement le Ciel et la Terre.

Dans le symbolisme maçonnique, le compas est normalement placé en haut et l’équerre en bas, entre les deux est figurée l’Etoile flamboyante, qui est un symbole de l’Homme.

L’Etoile à cinq branches est une figuration du microcosme. L’Etoile flamboyante est le symbole de l’homme régénéré, du Maçon. La Loge des Maîtres est appelée la Chambre du Milieu.

… la Maîtrise représente l’achèvement des «petits mystères», dont l’état de l’«homme véritable» est le terme même… (p. 129)

Le compas, symbole «céleste», donc yang ou masculin, appartient proprement à Fo-hi, et l’équerre, symbole «terrestre», donc yin ou féminin, à Niu-Koua, mais quand ils sont représentés ensemble et unis par leurs queues de serpents, c’est au contraire Fo-hi qui porte l’équerre et Niu-koua le compas.

René Guénon, La grande triade (extraits)

Chapitre XIV. Le médiateur

Il monte de la Terre au Ciel, et redescend du Ciel en Terre; il reçoit par là la vertu et l’efficacité des choses supérieures et inférieures…

(Table d’Emeraude) ces paroles s’appliquent à l’Homme comme médiateur entre le Ciel et la Terre.

La tradition extrême-orientale dit qu’à l’origine le Ciel et la Terre n’étaient pas séparés, mais, pour que la manifestation puisse se produire, il faut que l’Etre se polarise effectivement en Essence et Substance. Dès lors, leur communication s’établit uniquement par l’Axe du Monde. Tchoung-young = Invariable Milieu.

Le sceau de Salomon est formé de deux triangles superposés: le triangle droit est la nature céleste et le triangle inversé la nature terrestre, et l’ensemble symbolise l’«Homme Universel», le médiateur par excellence.

Un autre symbole extrême-oriental est celui de la tortue qui est placée entre les deux parties supérieure et inférieure de son écaille, comme l’Homme entre le Ciel et la Terre.

Sa rétractation à l’intérieur de l’écaille symbolise la concentration dans l’«état primordial», qui est l’état de l’homme véritable, est cette concentration est d’ailleurs la réalisation de la plénitude des possibilités humaines, car, bien que le centre ne soit apparemment qu’un point sans étendue, c’est pourtant ce point qui, principiellement, contient toutes choses en réalité.

Un exemple d’action rituelle est la circumambulation de l’Empereur dans le Ming-tang, image de l’Univers concentrée en un lieu qui représentait l’Invariable Milieu.

René Guénon, La grande triade (extraits)