Près de trois ans s’étaient écoulés.
Trois ans c’est beaucoup pour un enfant…
A vingt ans, c’est un instant ou presque.
J’étais enfin de retour dans mon bout de monde.
Pratos fut le premier qui vint à ma rencontre,
Nous nous somme serrés dans nos bras avec joie.
-Tu tombes bien, beaucoup d’amis sont là.
En effet, je voyais des petits groupes de personnes derrière lui ; des mexicains, des américains, espagnols, italiens, français, etc.
Je saluais poliment tout ce beau monde inconnu.
Puis la rencontre théâtrale avec la Doña qui me sentait arriver depuis longtemps et Graciela qui répétait sans cesse en sautillant de joie :
-Cela est vrai ! Cela est vrai !!
après avoir emménagé ma chambre, je suis revenu à la cuisine pour boire un bon café.
-Je t’ai préparé un bon café à la cannelle ! s’exclama la Doña.
-C’est jour de fête cria pratos assis sous la petite terrasse du restaurant.
Je retrouvai Pratos en compagnie d’un jeune homme très maigre, très blanc, avec de très longs cheveux et un chapeau ridicule.
-Alors Claudio, quelle heure est-il ? lança Pratos.
Je regardais la lumière du jour qui commençait à baisser sur la forêt,
-Vers 16h répondis-je.
-Exactement ! s’exclama l’ami de Pratos.
-Je te présente Juanito très fier de désigner son ami.
-Alors ? m’interrogea Pratos avec curiosité ? Tu le trouves comment ?
Je n’osais répondre…
Pratos en riant :
-Alors tu trouves qu’il à l’air de quoi ?
-D’un con ! répondis-je.
Nous étions pris d’un fou rire tous les trois, Graciela qui nous apportait le café à la cannelle, se mit à rire à son tour en nous suppliant d’arrêter, puis elle s’enfuit vers la cuisine où le rire de la Doña résonna dans tous le ranch.
-Pas à ce point ! me supplia Juanito
-Ah pire que ça, désolé…
Pratos heureux de ce moment de rire partagé proposa :
-Veux-tu que nous fassions un tour du monde ?
je m’attendais à tout de la part de Pratos, mais que répondre…
-Les tours du monde, je crois que ça marche en quatre-vingts jours…
-Pas ici ! s’exclama Pratos.
-Regarde, reprit-il en se levant, on prend par là et en quelques minutes, on arrive en Martinique, juste à côté, il y a le Cap vert, il y a même une rue de Los angeles California !
-On pourrait même aller voir la lune depuis la pyramide ! ajouta Juanito.
-Bon, bon répondis-je, buvons le café et partons ! (après tout…)
Ainsi, nous partîmes tous les…quatre, car un nouvel ami se joignait à nous: El roca ! un vrai mexicain, pur et dur !
El roca était très soigné, bien habillé et très courtois et ça ne l’étonnait en rien que nous marchions pour faire le tour du monde.
Après cinq minutes de marche, nous arrivions en Guyane…
Nous nous sommes assis sur des fauteuils en plastique rouge autour d’une table en fer.
-Quatre sodas ! commanda El roca, bien frais por favor señora
L’ambiance était différente, les couleurs jouaient sur la végétation géante et luxuriante.
-Alors ça te plaît la Guyanne ? s’amusa Pratos
Je n’ai jamais mis un pied en Guyane mais c’est bien l’image que j’en ai, avouais-je.
-J’ai vérifié, repris Juanito, il y a tous les minéraux et végétaux présents en Guyane.
Pratos m’assura que Juanito était une encyclopédie vivante.
-T’as lu des choses durant ton absence ? me questionna Pratos
-Le Yi King, le Tao Te King, un livre sur le Zen de Deschimaru…
Pratos sortit un carnet et un crayon de sa veste, il dessina un œuf.
-Tu vois, admettons que cet œuf symbolise la totalité de la conscience,
-Où se trouve ton point d’ancrage ?
Mon point d’ancrage, je cherchais dans mes souvenirs de lecture, j’avais déjà lu ça.
C’était dans Voir de Carlos Castaneda que je venais de lire deux fois dans les trente heures passées dans le bus depuis la capitale.
-Dis-moi où planter le crayon ? reprit Pratos en approchant sa main de la feuille.
-Là ! répondis-je aussitôt en touchant la main de mon ami.
Il fit un point sur le bord interne de l’œuf.
-Voilà ton point d’ancrage, au mieux de son intensité, il peut irradier cette sphère (Pratos dessina un cercle autour du point).
-Cette bulle c’est ta conscience, tout ton possible. Maintenant, si nous bougeons ton point d’ancrage, que se passe-t’il ?…ça élargit ta conscience Claudio, tu comprends ?
-Oui, je comprends, mais comment faire pour bouger le point d’ancrage ?
-C’est facile ! s’exclama Pratos.
-Pas tant que ça reprirent El roca et Juanito.
-Bon, partons faire un tour ailleurs déclara Pratos, on va boire un coup en Martinique !
-En Martinique ! c’est au moins à cinq minutes, mais si Pratos entretient la conversation, ça peut être très loin ! se moquèrent El roca et Juanito.
Nous passâmes ainsi cette soirée ensemble, à écouter Pratos nous expliquer comment nous pouvions bouger notre point d’ancrage, comment nous pouvions nous libérer de nous-mêmes.
A la nuit tombée, sous la lune, nous avons regagné la pyramide à travers des chemins de paysans connus par mes amis.
L’intensité de la pyramide sous la lune était très forte, certains endroits (comme l’autel)crépitaient…Pratos nous invita à faire un sacrifice, en jetant un objet personnel dans le cenote rituel en bas de la pyramide sacrée des anciens Mayas.
Depuis mon départ de France, trois jours plus tôt, tout allait si vite…
Cette nuit là nous méditions tous les quatre sur la pyramide, soudain la pyramide devint vivante ; dans la forêt, derrière les nuages de brume, des portes se dessinaient dans la nuit, je rentrais par l’esprit dans un passage. La pyramide décolla littéralement et nous emporta à une vitesse jusqu’alors inconnue vers d’autres mondes, puis d’autres…
Sur le chemin de retour au ranch, seul Pratos parlait, encore et toujours de la conscience, Nous devrons être impeccables disait-il.
Je retrouvais mon lit avec joie, je me laissais emporter par le sommeil, là je retrouvais la pyramide et depuis ce jour, dans des rêves éveillés ou pas, elle me transporte vers de nombreux mondes.
Amitiés: Claude Sarfati