Jeunesse du Yi King
Le plus ancien livre de la Chine en est aussi le plus moderne. Le Yi King offre à l’homme une clé intemporellement neuve pour pénétrer l’énigme de son destin.
Il nous entraîne, au-delà de toute théologie comme de tout système philosophique, à un degré de profondeur limpide ou l’oeil du coeur contemple l’évidence du vrai.
L’unité est le fondement de l’univers. Mais pour être fécond, le T’ai Ki (le grand commencement) doit se sacrifier en se dédoublant , car « à partir de ce qui est parfait, rien ne devient » « Ex perfecto nihil fit » (adage alchimique)
Le monde ne nous révèle que le jeu des deux forces polaires, le mâle et la femelle, le plus et le moins, leurs épousailles et les dix mille êtres qui en sont les fruits.
Le génial créateur des hexagrammes à su ramener cette variété sans limites à un schéma mathématique enserrant la création comme un réseau, ou plutôt formant la trame qui la supporte et l’anime.
Les soixante-quatre hexagrammes groupant deux à deux les huit trigrammes obtenus en combinant de toutes les manières possibles les deux énergies primordiales constituent une image complète du monde.
Mais, comme la rose du zodiaque, le déploiement circulaire des signes inventés par Fo Hi n’a rien d’une figure statique.
C’est une succession de maisons que parcourt toute existence, qu’elle soit organique ou inorganique, individuelle ou collective. Chacune de ces demeures se compose de six éléments ou traits qui lui confèrent sa structure propre…
Est-il impensable qu’après avoir longuement considéré le ciel et la terre, le monde intérieur et le monde extérieur, un homme ait su interpréter l’interaction des facteurs opposés dans chacune de ces « images premières » et fixer ainsi sa place par rapport aux autres dans l’univers ?
Si les physiciens sont parvenus à forcer le sanctuaire de l’atome, pourquoi ne pas admettre qu’au prix d’une longue attention quelqu’un ait pu passer plus loin que la multiplicité chaotique et en percevoir les lois constantes et universelles?
Semblable vision requiert plus qu’un entraînement de l’intellect: elle implique une transformation du regard, c’est à dire de l’être tout entier, car si l’oeil est simple, tout le corps devient lumineux…
…Un savoir aussi subtil ne peut, on le comprend, s’exprimer en langage conceptuel et logique. La vision du monde qu’il traduit est aux antipodes de celles de l’occident.
Notre science est analytique: elle isole soigneusement le phénomène étudié de son contexte.
Celle de l’Orient est synthétique: elle apprend à tout embrasser d’un seul coup d’ oeil et à lire les rapports.
Dans l’immense symphonie du monde nous nous appliquons à écouter les différents instruments l’un après l’autre, nous interdisant par là de saisir le sens de la partition.
Le sage Chinois, au contraire, laisse monter à la fois tous les chants, ne négligeant pas la plus humble note de timbale ou de triangle.
Chaque être, chaque instant pris dans son intégralité est un visage du tout, une facette de l’unité indescriptible.
La transformation, dit un commentateur, c’est l’immuable
Pour transmettre cette connaissance il n’est d’autre véhicule que l’énigme, expression paradoxale qui rassemble en elle-même les opposés
où par son absurdité apparente, oblige l’esprit à interrompre son discours linéaire, fait refluer le courant mental et le contraint à traverser des couches plus profondes, plus proches de ce centre indicible où les contraires célèbrent leurs noces éternelles …