- Monsieur, puis-je vous demander une dernière leçon ? (Marin Marais)
Monsieur, puis-je tenter une première leçon ? (Mr De Sainte Colombe)
Je veux parler…
La musique est simplement là pour parler de ce dont la parole ne peut parler…
En ce sens, elle n’est pas tout à fait humaine…
Alors, vous avez découvert qu’elle n’est pas pour le roi ?
- J’ai découvert qu’elle était pour dieu.
- Eh bien vous vous êtes trompé car dieu parle…
- Pour l’oreille ?
- Ce dont je ne peux parler n’est pas pour l’oreille…
- Pour l’or, la gloire, le silence…
- Le silence n’est que le contraire du langage…
- Les musiciens rivaux ?
- Non…
- L’amour…
- Non
- Le regret de l’amour…
- Non
- L’abandon…
- Non et non
- Pour une gaufrette donnée à l’invisible ?
- Non plus, mais qu’est-ce donc qu’une gaufrette ?
Ça se voit, ça a du goût, ça se mange, ce n’est rien…
- Je ne sais pas monsieur, je ne sais plus… Je crois qu’il faut laisser un verre aux morts…
- Vous aussi brulez-vous ?
- Un petit abreuvoir pour ce que le langage a déserté… Pour l’ombre des enfants…
Pour adoucir les coups de marteaux des cordonniers…
Pour les états qui précédent l’enfance, quand on était sans souffle sans lumière…
- Monsieur, tout à l’heure vous avez entendu que je soupirais…
Je vais mourir sous peu et mon art avec moi…
Seules mes poules et mes oies me regretteront…
Je vais vous confier un ou deux arias capables de réveiller les morts…
Allons, il faut à boire, il faut aussi que nous allions chercher la viole de feu ma fille Madeleine
Je vais vous faire entendre Le tombeau des regrets…
Je n’ai encore trouvé, parmi mes élèves aucune oreille pour les entendre…Vous m’accompagnerez !
Dialogue entre Mr de Sainte Colombe et Marin Marais extrait du film : Tous les matins du monde réalisé par Alain Corneau en 1991. Il est tiré d’un roman éponyme écrit par Pascal Guignard, qui retrace la vie du compositeur français du XVll° siècle Marin Marais, et ses relations avec un autre compositeur contemporain, Monsieur de Sainte Colombe.
Jean-Pierre Marielle partit rejoindre ses amis Philippe Noiret et Jean Rochefort
Amitiés, Claude Sarfati