20 ans qu’il a décanillé, le Léo ! 20 ans et pas une ride à son œuvre ! Mais… qui le sait ?
Radios et télés continuent, plus ou moins régulièrement, de diffuser les trois quatre chansons (Avec le temps, C’est Extra, Paris-Canaille, Jolie Môme) extraites d’un répertoire fantastiquement riche… pour ne pas dire luxuriant.
Quatre chansons et puis c’est marre ! Et pour beaucoup, disons-le, c’est déjà même bien assez. L’ affaire est entendue : « Ferré, c’est triste », « Il prend la tête », on ne supporte pas « son côté prédicateur », « gueulard », sans parler de « ses grimaces », ses emportements « anarcho-bourgeois » .. Arrêtons là. Le clavier renâcle à taper ces niaiseries.
Stop.
Mais on peut se poser une question. Pourquoi sempiternellement ces mêmes titres ? Est-ce la prudence ? Une paresse intellectuelle ? Une censure ? Alors que pointe le vingtième anniversaire de sa disparition, oser évoquer l’œuvre de Ferré en ne citant que ces titres-là, par ailleurs magnifiques, c’est prétendre parler de vin en ne citant que les Bourgognes. Une bêtise. Alors, bonne nouvelle : TOUTE l’œuvre de Ferré est à (re) découvrir ! Un vrai continent ! Plus efficace que bien des hallucinogènes, il faut s’étourdir avec « Les Ascenseurs-camarades« , « Il n’y a plus rien« , « La Vendetta« , « Ta source« , « Ton style« , « L’homme« , « Métamec » ! Le roman « Benoît-Misère » offre des clefs de compréhension formidable pour imaginer comment était l’enfant-Ferré. Relire « Le testament-phonographe« , c’est prendre un billet pour l’ailleurs ! Bon. Mais qui veut foutre le camp ?
Et déjà les spécialistes de la virgule, les notaires du soupir et les médecins légistes de l’anecdote déboulent. Ils affirment, ces braves gens, que la vie artistique du grand bonhomme peut se découper en 3 morceaux, façon gateau : les années-Odéon, les années-Barclay, les années-Toscanes. Et de préciser d’un air entendu que seules les années Barclay méritent un coup de projecteur. Autre bêtise. Quel instrument de mesure permet de comparer « Le bateau espagnol » avec « La mémoire et la mer » ou « Les amants tristes » ? Quel rapport entre « La violence et l’ennui » et « Monsieur tout blanc » ? Comment estimer la valeur d’une chanson ? Au grain de la voix ? Au nombre de vers ? A la qualité des enregistrements ? A son minutage ? A l’époque ?
En occultant ainsi un pan immense de cette œuvre, les diffuseurs entretiennent un malentendu désolant, qui relègue Ferré au rang d’un simple chanteur à succès, quand il s’agit d’un artiste multiple, à la fois musicien, poète, chanteur et écrivain.
Et ce malentendu n’est pas sans conséquence. Parce que malgré tout, avec les années, Léo est devenu une référence. Beaucoup d’artistes revendiquent aujourd’hui son influence artistique. A noter que personne ne la remarque, cette influence ! Sinon, simplement, elle s’entendrait. Mais on a beau chercher, fouiller, rien, nibs, que dalle ! Hors internet, les ondes et les lucarnes continuent d’être encombrées de chanteurs inconsolables, au verbe mou, à la musique polie. Mais il y a un anniversaire ! Pensez donc, « Léo : 20 ans déjà ! », formidable ! Des oreilles hospitalières, un public captif, profitons-en ! Aucun risque. L’intéressé n’est plus là pour gueuler contre ces sincérités intermittentes, ces anecdotes invérifiables et toute cette farandole de conneries à prétention littéraire ! Demain, il sera toujours temps d’orienter ces regrets vers une autre viande froide, un autre anniversaire. Pas de jour férié pour les opportunistes !
Oui, aujourd’hui encore, vingt ans après sa mort, Léo Ferré est un mal-entendu.
Rien de grave cependant. Parce que ceux qui l’aiment continuent de l’écouter.
Quant aux autres, eh bien, ils passent à côté d’un truc fantastique.. Ils frôlent une galaxie.
Tant pis pour eux.
Journaliste et réalisateur, auteur du documentaire « Léo Ferré, la mémoire des étoiles »
Source: Mediapart
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Le 14 juillet 1993,
La mort de Léo Ferré faisait la une du Monde Libertaire.
Mourir un 14 juillet pour une graine d’ananar,
C’est une belle façon de tirer son chapeau.
Voilà plus de 20 ans qu’il ne dérange plus personne.
Léo, je t’aimais bien, tu sais…
Cet été aura une autre gueule!
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Pas vrai Bashung?
Amitiés
Claude Sarfati