J’ai commencé par dialoguer avec moi-même.
Je me suis demandé ce qu’était cette étrange chose qu’on appelle l’amour; tout le monde en parle, l’évoque; songez à tous les poèmes romantiques, aux films, à la sexualité et à tous ses divers autres aspects.
Je me dis: l’amour existe-t-il? et constate qu’il n’existe pas dès lors qu’il y a de la jalousie, de la haine, ou de la crainte.
Alors je laisse l’amour de côté pour me préoccuper de ce qui est, de ma crainte, de mon attachement.
Pourquoi me suis-je attaché? Une des raisons pas nécessairement l’unique est que je me sens désespérement seul, mis à l’écart. Plus j’avance en âge, plus ce sentiment s’amplifie.
Alors je l’observe.
Je suis au défi de découvrir et comme il y a défi, toute l’énergie est là pour y répondre. Cela, c’est bien simple. En effet, s’il se produit une catastrophe, un accident, que sais-je, je me trouve confronté à un défi et l’énergie requise afflue pour y faire face. Je n’ai pas besoin de demander: Comment est-ce que je peux trouver l’énergie voulue? Quand la maison brûle, je trouve la force de réagir, j’ai une énergie extraordinaire, je n’abandonne pas en disant: Eh bien! il faut que je trouve cette énergie, et en attendant qu’elle vienne. Si je le faisais, le feu aurait tout le temps de réduire la maison en cendres.
Ainsi, cette énergie gigantesque est là pour répondre à la question: pourquoi ce sentiment de solitude? j’ai rejeté les idées, les suppositions et les théories selon lesquelles il serait héréditaire ou instinctuel. Tout cela n’a aucun sens pour moi.
Se sentir seul, c’est ce qui est. Pourquoi vient-il, ce sentiment que chaque être humain S’il est un tant soi peu conscient connaît, superficiellement ou très profondément?
Pourquoi survient-il?
Serait-ce que l’esprit fait quelque chose qui le crée?
J’ai rejeté les théories qui lui trouvent une origine dans l’instinct ou dans l’hérédité et je me demande:
L’esprit, le cerveau lui-même engendre-t-il ce sentiment de solitude, d’isolement total?
Le mouvement de la pensée fait-il cela? La pensée dans son fonctionnement quotidien le crée-t-il?
Au bureau je m’isole, parce que j’ambitionne de devenir un grand directeur et qu’en conséquence, la pensée fonctionne tout le temps, s’isolant.
Je vois que la pensée travaille tout le temps pour se rendre supérieure, le cerveau s’entraîne sur la voie de l’isolement.
J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood Park Gathering, le 30 août 1977)