un dialogue avec soi-même (fin)

Ainsi, par la négation de ce qui n’est pas amour,

l’amour est.

Je n’ai pas besoin de lui courir après.

Si je le poursuis, ce n’est pas l’amour,

c’est une récompense.

Alors, dans cette enquête, par la négation, j’ai mis fin,

lentement, attentivement, sans déformation, sans illusion,

à tout ce qui n’est pas

___ L’autre est.

__J.Krishnamurti__ (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (8)

… Ainsi, dans ma conversation avec moi-même, j’ai découvert que le sentiment de solitude est créé par la pensée.

La pensée s’est maintenant rendue compte par elle-même qu’elle est limitée et qu’elle ne peut donc pas résoudre le problème de la solitude.

Puisqu’il en est ainsi, le sentiment de solitude existe-t-il?

La pensée a crée ce sentiment de solitude, de vide, parce qu’elle est limitée, fragmentaire, divisée; or, quand elle prend conscience de cela, le sentiment de solitude n’est pas et, partant, il y a libération de l’attachement.

Je n’ai rien fait; j’ai observé mon attachement, ce qu’il suppose, la rapacité, la peur, l’impression de solitude et tout cela; et, en le suivant à la trace, en l’observant, non pas en l’analysant, mais simplement en regardant et regardant, le fait que c’est la pensée qui a fait tout cela apparaît.

La pensée, étant fragmentaire, a créé cet attachement.

Lorsqu’elle s’en rend compte, l’attachement cesse.

Il n’y a pas d’effort du tout.

Car sitôt qu’il y a effort

le conflit réapparaît.

Dans l’amour il n’y a aucun attachement; s’il y a attachement, l’amour n’est pas.

Or le facteur principal a été suprimé par la négation de ce que l’amour n’est pas, par la négation de l’attachement.

Dans ma vie quotidienne cela veut dire qu’il n’y a aucun souvenir de quoique ce soit que ma femme, ma compagne ou ma voisine ait fait pour me blesser, aucun attachement à une image que la pensée a créée d’elle.

Comment elle m’a malmené, comment elle m’a réconforté, comment je lui dois un plaisir sexuel, toutes les différentes choses au sujet desquelles le mouvement de la pensée a créé des images;

l’attachement à ces images a disparu.

Il y a encore d’autres facteurs.

Dois-je les explorer tous, pas à pas, l’un aprés l’autre?

Ou est-ce que tout est terminé?

Dois-je investiguer

comme je l’ai fait pour l’attachement

vivre et explorer la crainte, le plaisir, le désir de réconfort?

Je vois que je n’ai pas besoin de reprendre, étape par étape, une enquête sur tous ces divers facteurs.

Je le perçois d’un seul coup d’oeil; j’ai saisi.

J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (5)

J’ai commencé par dialoguer avec moi-même.

Je me suis demandé ce qu’était cette étrange chose qu’on appelle l’amour; tout le monde en parle, l’évoque; songez à tous les poèmes romantiques, aux films, à la sexualité et à tous ses divers autres aspects.

Je me dis: l’amour existe-t-il? et constate qu’il n’existe pas dès lors qu’il y a de la jalousie, de la haine, ou de la crainte.

Alors je laisse l’amour de côté pour me préoccuper de ce qui est, de ma crainte, de mon attachement.

Pourquoi me suis-je attaché? Une des raisons pas nécessairement l’unique est que je me sens désespérement seul, mis à l’écart. Plus j’avance en âge, plus ce sentiment s’amplifie.

Alors je l’observe.

Je suis au défi de découvrir et comme il y a défi, toute l’énergie est là pour y répondre. Cela, c’est bien simple. En effet, s’il se produit une catastrophe, un accident, que sais-je, je me trouve confronté à un défi et l’énergie requise afflue pour y faire face. Je n’ai pas besoin de demander: Comment est-ce que je peux trouver l’énergie voulue? Quand la maison brûle, je trouve la force de réagir, j’ai une énergie extraordinaire, je n’abandonne pas en disant: Eh bien! il faut que je trouve cette énergie, et en attendant qu’elle vienne. Si je le faisais, le feu aurait tout le temps de réduire la maison en cendres.

Ainsi, cette énergie gigantesque est là pour répondre à la question: pourquoi ce sentiment de solitude? j’ai rejeté les idées, les suppositions et les théories selon lesquelles il serait héréditaire ou instinctuel. Tout cela n’a aucun sens pour moi.

Se sentir seul, c’est ce qui est. Pourquoi vient-il, ce sentiment que chaque être humain S’il est un tant soi peu conscient connaît, superficiellement ou très profondément?

Pourquoi survient-il?

Serait-ce que l’esprit fait quelque chose qui le crée?

J’ai rejeté les théories qui lui trouvent une origine dans l’instinct ou dans l’hérédité et je me demande:

L’esprit, le cerveau lui-même engendre-t-il ce sentiment de solitude, d’isolement total?

Le mouvement de la pensée fait-il cela? La pensée dans son fonctionnement quotidien le crée-t-il?

Au bureau je m’isole, parce que j’ambitionne de devenir un grand directeur et qu’en conséquence, la pensée fonctionne tout le temps, s’isolant.

Je vois que la pensée travaille tout le temps pour se rendre supérieure, le cerveau s’entraîne sur la voie de l’isolement.

J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (4)

… Je voudrais donc comprendre le pourquoi de mon sentiment de solitude, car c’est lui qui est cause de mon attachement. Il m’a contraint à fuir, en me raccrochant à ceci ou à cela; et tant qu’il persistera, cette succession de réactions en chaîne se reproduira.

Qu’est-ce que se sentir délaissé?

Comment en arrive-t-on là?

Le sentiment de solitude est-il instinctuel, ou héréditaire?

Ou résulte-t-il de mon activité quotidienne?

Dans les deux premiers cas, il est inscrit dans ma destinée et je n’y suis pour rien. Comme je n’accepte pas cette explication, je la met en doute, et demeure avec mon interrogation. J’observe, sans essayer de trouver une réponse intellectuelle.

Je n’essaie pas de dire au sentiment de solitude ce qu’il devrait faire, ni ce qu’il est: je l’observe pour que lui-même me le dévoile. Un état d’attention vigilante s’instaure pour que lui se révèle.

Il ne se révélera pas si je fuis; si j’ai peur; si je lui résiste.

Alors je l’observe.

Je l’observe, de sorte qu’aucune pensée ne fait irruption. L’observation est beaucoup plus importante que l’immixtion de la pensée.

Et comme toute mon énergie est centrée sur l’observation de ce sentiment de solitude, la pensée n’intervient pas du tout. L’esprit est confronté à un défi, et il doit y répondre. Ce défi le met en état de crise.

En situation de crise on développe une immense énergie et celle-ci se maintient sans ingérence de la pensée. Il y a là un défi qui exige une réponse.

J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (3)

… Je me dis: « Que dois-je faire pour être libre de tout attachement? » A quel mobile est-ce que j’obéis quand je veux être libre de tous liens.

N’est-ce pas au désir de parvenir à un état où il n’y a ni attaches, ni crainte, et ainsi de suite?

 Et tout à coup je me rends compte que tout mobile dicte une orientation et que celle-ci ne pourra que peser sur ma liberté.

Pourquoi avoir un mobile? Qu’est-ce qu’un mobile? Un mobile est un espoir, ou un désir, de réaliser quelque chose.

 Je constate que je tiens à un mobile.

 Outre ma femme, mon idée, la méthode, voici que mon mobile est lui aussi devenu objet de mon attachement!

 Ainsi, je fonctionne tout le temps dans la sphère de l’attachement à l’épouse, à la méthode et au mobile qui me pousse à atteindre un objectif ultérieur.

 A tous trois, je suis attaché.

 Je m’aperçois que j’ai abordé une question de la plus haute complexité; je ne m’étais pas rendu compte qu’être libéré de l’attachement impliquait tout cela.

 Maintenant je le vois tout aussi clairement que les autoroutes, les routes communales et les villages marqués sur une carte; rien ne m’apparaît plus évident.

Alors je me dis:  m’est-il possible d’être libre de ce grand attachement que j’éprouve à l’égard de ma femme, comme à l’égard de la récompense que je pense obtenir, et à l’égard de mon mobile? 

 Je tiens à tout cela.

Pourquoi?

 Est-ce parce que j’ai un épouventable sentiment de solitude, auquel je cherche à échapper en m’accrochant à une femme, à une idée, à un mobile, comme s’il me fallait me cramponner à quelque chose?

C’est bien cela; je suis solitaire et j’échappe à ce sentiment d’isolement extrême en m’attachant à quelque chose.

J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood Park Gathering, le 30 août 1977)