La croisade contre les albigeois, prêchée par le pape Innocent III contre les hérétiques cathares et vaudois du Languedoc (terme qui n’apparaît qu’à la fin du XIIIe siècle dans l’administration royale) et contre les seigneurs et villes qui les soutenaient, a duré de 1209 à 1229. Elle a été menée d’abord par des seigneurs de la France du Nord avec des armées internationales, puis par le roi de France Louis VIII en 1226 et officiellement terminée par le traité de Meaux-Paris (1229) entre le roi de France (Saint Louis enfant sous la régence de Blanche de Castille) et le comte de Toulouse Raimond VII.
Philippe Auguste, luttant contre l’Angleterre et contre l’Empire, et le plus souvent en mauvais termes avec la papauté, n’avait pas voulu intervenir directement en Languedoc, se contentant d’y sauvegarder la suzeraineté française. Son fils, Louis VIII (roi de 1223 à 1226), après avoir repris le Poitou aux Anglais (1224), se tourna vers le Midi, auquel il s’était vivement intéressé dès le règne de son père. Après l’excommunication de Raimond VII par le concile de Bourges, le 28 janvier 1226, et le ralliement de nombreux seigneurs méridionaux, il répondit à l’appel du pape en s’emparant des terres des Trencavel et du Languedoc septentrional et oriental rattachées au domaine royal (sénéchaussées de Beaucaireet de Carcassonne) mais renonça à attaquer Toulouse.
À partir de 1229, la lutte de l’Église contre les hérétiques prit la forme de l’Inquisition, organisée par le pape Grégoire IX en 1233 et confiée aux ordres mendiants – et surtout aux dominicains. Elle se heurta à une résistance clandestine. Il y eut pourtant des violences dans les villes, à Narbonne (1233-1235), à Cordes (1233), à Albi (1234), et surtout à Toulouse d’où les dominicains furent expulsés en novembre 1235. Les victoires de Saint Louis sur les Anglais à Taillebourg et à Saintes persuadèrent le comte, qui avait repris la lutte, de faire la paix avec le roi (1242). Désormais et jusqu’à sa mort, il lui resta soumis et persécuta à son tour les hérétiques.
Un millier de cathares s’étaient réfugiés dans le château de Montségur, vaste forteresse sur un piton dans le comté de Foix. Montségur résista près d’un an, du 13 mai 1243 au 14 mars 1244. Les deux cents hommes et femmes qui y étaient restés et qui refusèrent d’abjurer le catharisme furent brûlés le 16 mars 1244. Cet épisode militaire local marque traditionnellement la fin de la résistance armée des cathares. Une auréole légendaire continue d’entourer cet épilogue héroïque et tragique de la croisade contre les albigeois.
Si la croisade favorisa le rattachement du Languedoc à la France du Nord, cette intégration du Midi à un ensemble national ne lui apporta pas que des avantages. Plus que les destructions et les aspects d’exploitation coloniale qui accompagnèrent l’installation des gens du Nord en Languedoc, c’est la pétrification, par la croisade, de faiblesses autochtones séculaires qui accrut sa stagnation économique et sociale. La lutte victorieuse contre l’usure supprima des abus, mais stérilisa aussi beaucoup d’activités précapitalistes englobées par l’Église dans sa réprobation de l’usure. L’installation de l’administration française augmenta le parasitisme urbain au détriment du développement des campagnes et provoqua la prolifération d’un secteur tertiaire envahi par toute une catégorie de rentiers, d’hommes de loi, de fonctionnaires, et par un clergé triomphant et pullulant.
Cette perversion de l’idéal de la croisade (il y faut ajouter l’antisémitisme importé par les croisés dans le Midi) et les abus de l’Inquisition qui la prolongea jetèrent, dès le XIIIe siècle, le discrédit sur la chrétienté. Ce discrédit contribua à saper l’unité morale d’un monde où, à l’image du destin du Languedoc, l’évolution historique tendait, certes, à constituer de plus grands ensembles nationaux, mais au détriment de l’unité chrétienne.
Bonne lecture, bonne écoute, bon dimanche: Claude Sarfati.