un dialogue avec soi-même (8)

… Ainsi, dans ma conversation avec moi-même, j’ai découvert que le sentiment de solitude est créé par la pensée.

La pensée s’est maintenant rendue compte par elle-même qu’elle est limitée et qu’elle ne peut donc pas résoudre le problème de la solitude.

Puisqu’il en est ainsi, le sentiment de solitude existe-t-il?

La pensée a crée ce sentiment de solitude, de vide, parce qu’elle est limitée, fragmentaire, divisée; or, quand elle prend conscience de cela, le sentiment de solitude n’est pas et, partant, il y a libération de l’attachement.

Je n’ai rien fait; j’ai observé mon attachement, ce qu’il suppose, la rapacité, la peur, l’impression de solitude et tout cela; et, en le suivant à la trace, en l’observant, non pas en l’analysant, mais simplement en regardant et regardant, le fait que c’est la pensée qui a fait tout cela apparaît.

La pensée, étant fragmentaire, a créé cet attachement.

Lorsqu’elle s’en rend compte, l’attachement cesse.

Il n’y a pas d’effort du tout.

Car sitôt qu’il y a effort

le conflit réapparaît.

Dans l’amour il n’y a aucun attachement; s’il y a attachement, l’amour n’est pas.

Or le facteur principal a été suprimé par la négation de ce que l’amour n’est pas, par la négation de l’attachement.

Dans ma vie quotidienne cela veut dire qu’il n’y a aucun souvenir de quoique ce soit que ma femme, ma compagne ou ma voisine ait fait pour me blesser, aucun attachement à une image que la pensée a créée d’elle.

Comment elle m’a malmené, comment elle m’a réconforté, comment je lui dois un plaisir sexuel, toutes les différentes choses au sujet desquelles le mouvement de la pensée a créé des images;

l’attachement à ces images a disparu.

Il y a encore d’autres facteurs.

Dois-je les explorer tous, pas à pas, l’un aprés l’autre?

Ou est-ce que tout est terminé?

Dois-je investiguer

comme je l’ai fait pour l’attachement

vivre et explorer la crainte, le plaisir, le désir de réconfort?

Je vois que je n’ai pas besoin de reprendre, étape par étape, une enquête sur tous ces divers facteurs.

Je le perçois d’un seul coup d’oeil; j’ai saisi.

J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (7)

… Donc, la pensée se rend-elle compte par elle-même qu’elle est limitée?

Il me faut le découvrir.

C’est un défi auquel je dois faire face.

A cause de ce défi, j’ai une gigantesque énergie.

Présentons la chose différement.

La conscience se rend-elle compte que son contenu est elle-même?

Ou serait-ce que j’ai entendu quelqu’un d’autre déclarer:

La conscience est son contenu; c’est son contenu qui la constitue.

à quoi j’aurai répondu oui, c’est bien ça?

Voyez-vous la différence entre les deux.

La deuxième façon de voir, issue de la pensée, est imposée par le moi.

Si j’impose quelque chose à la pensée, il y a conflit.

C’est comme quand un gouvernement dictatorial impose sa loi par voie d’ukase, à la différence qu’ici, ce gouvernement, c’est ce que j’ai créé.

Ainsi, je me demande:

est-ce que la pensée s’est rendue compte de ses propres limitations?

Ou est-ce qu’elle prétend être quelque-chose d’extraordinaire, de noble, de divin?

Ce qui serait absurde, étant donné qu’elle est issue de la mémoire.

Je vois qu’il faut que ce point soit établi avec une limpidité absolue;

qu’il faut qu’à l’évidence aucune influence extérieure n’ait imposée à la pensée la notion qu’elle est limitée.

Alors parce que rien n’à été imposé, il n’y a pas de conflit;

la pensée saisit, tout simplement, qu’elle est limitée;

elle sait que tout ce qu’elle fait

qu’il sagisse d’adorer dieu et ainsi de suite

est limité, mièvre, mesquin

même si elle a parsemé l’europe de merveilleuses cathédrales destinées au culte de dieu.

J.Krisnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (6)

J’en viens donc à me demander: pourquoi la pensée fait-elle cela?

Est-il dans sa nature de travailler pour elle-même?

Est-il dans sa nature de créer l’isolement?

L’éducation provoque l’isolement; elle nous prépare à une certaine carrière, à une certaine spécialisation et, partant, à l’solement.

La pensée, étant fragmentaire, étant limitée et temporelle, crée cet isolement.

Dans cette limitation elle a trouvé la sécurité, en disant: j’ai une profession; je suis un enseignant; donc je jouis d’une sécurité absolue.

Cela étant, ma préoccupation est la suivante: pourquoi la pensée fait-elle cela?

Est-elle amenée à le faire de par sa nature même?

Tout ce que la pensée fait ne peut qu’être limité.

Dés lors voici le problème qui se pose:

la pensée peut-elle se rendre compte que tout ce qu’elle fait est limité, fragmenté et, en conséquences, source d’isolement, et que tout ce qu’elle fera le sera aussi?

C’est là un point très important: la pensée elle-même peut-elle se rendre compte de ses propres limitations?

Ou est-ce moi qui lui dis qu’elle est limité?

Cela, j’en ai conscience, il est très important de le comprendre:

C’est cela l’essence même de ma question.

Si la pensée elle-même réalise qu’elle est limitée, alors il n’y a pas de résistance, pas de conflit; elle constate je suis comme cela.

Si, par-contre, c’est moi qui lui dis qu’elle est limitée, alors je deviens distinct de la limitation; et je lutte pour la surmonter,ce qui est source de conflit et de violence et non d’amour.

J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (5)

J’ai commencé par dialoguer avec moi-même.

Je me suis demandé ce qu’était cette étrange chose qu’on appelle l’amour; tout le monde en parle, l’évoque; songez à tous les poèmes romantiques, aux films, à la sexualité et à tous ses divers autres aspects.

Je me dis: l’amour existe-t-il? et constate qu’il n’existe pas dès lors qu’il y a de la jalousie, de la haine, ou de la crainte.

Alors je laisse l’amour de côté pour me préoccuper de ce qui est, de ma crainte, de mon attachement.

Pourquoi me suis-je attaché? Une des raisons pas nécessairement l’unique est que je me sens désespérement seul, mis à l’écart. Plus j’avance en âge, plus ce sentiment s’amplifie.

Alors je l’observe.

Je suis au défi de découvrir et comme il y a défi, toute l’énergie est là pour y répondre. Cela, c’est bien simple. En effet, s’il se produit une catastrophe, un accident, que sais-je, je me trouve confronté à un défi et l’énergie requise afflue pour y faire face. Je n’ai pas besoin de demander: Comment est-ce que je peux trouver l’énergie voulue? Quand la maison brûle, je trouve la force de réagir, j’ai une énergie extraordinaire, je n’abandonne pas en disant: Eh bien! il faut que je trouve cette énergie, et en attendant qu’elle vienne. Si je le faisais, le feu aurait tout le temps de réduire la maison en cendres.

Ainsi, cette énergie gigantesque est là pour répondre à la question: pourquoi ce sentiment de solitude? j’ai rejeté les idées, les suppositions et les théories selon lesquelles il serait héréditaire ou instinctuel. Tout cela n’a aucun sens pour moi.

Se sentir seul, c’est ce qui est. Pourquoi vient-il, ce sentiment que chaque être humain S’il est un tant soi peu conscient connaît, superficiellement ou très profondément?

Pourquoi survient-il?

Serait-ce que l’esprit fait quelque chose qui le crée?

J’ai rejeté les théories qui lui trouvent une origine dans l’instinct ou dans l’hérédité et je me demande:

L’esprit, le cerveau lui-même engendre-t-il ce sentiment de solitude, d’isolement total?

Le mouvement de la pensée fait-il cela? La pensée dans son fonctionnement quotidien le crée-t-il?

Au bureau je m’isole, parce que j’ambitionne de devenir un grand directeur et qu’en conséquence, la pensée fonctionne tout le temps, s’isolant.

Je vois que la pensée travaille tout le temps pour se rendre supérieure, le cerveau s’entraîne sur la voie de l’isolement.

J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood Park Gathering, le 30 août 1977)

un dialogue avec soi-même (4)

… Je voudrais donc comprendre le pourquoi de mon sentiment de solitude, car c’est lui qui est cause de mon attachement. Il m’a contraint à fuir, en me raccrochant à ceci ou à cela; et tant qu’il persistera, cette succession de réactions en chaîne se reproduira.

Qu’est-ce que se sentir délaissé?

Comment en arrive-t-on là?

Le sentiment de solitude est-il instinctuel, ou héréditaire?

Ou résulte-t-il de mon activité quotidienne?

Dans les deux premiers cas, il est inscrit dans ma destinée et je n’y suis pour rien. Comme je n’accepte pas cette explication, je la met en doute, et demeure avec mon interrogation. J’observe, sans essayer de trouver une réponse intellectuelle.

Je n’essaie pas de dire au sentiment de solitude ce qu’il devrait faire, ni ce qu’il est: je l’observe pour que lui-même me le dévoile. Un état d’attention vigilante s’instaure pour que lui se révèle.

Il ne se révélera pas si je fuis; si j’ai peur; si je lui résiste.

Alors je l’observe.

Je l’observe, de sorte qu’aucune pensée ne fait irruption. L’observation est beaucoup plus importante que l’immixtion de la pensée.

Et comme toute mon énergie est centrée sur l’observation de ce sentiment de solitude, la pensée n’intervient pas du tout. L’esprit est confronté à un défi, et il doit y répondre. Ce défi le met en état de crise.

En situation de crise on développe une immense énergie et celle-ci se maintient sans ingérence de la pensée. Il y a là un défi qui exige une réponse.

J.Krishnamurti (extrait d’une discussion qui eut lieu lors du Brockwood Park Gathering, le 30 août 1977)