Chapitre XVII. Le «Wang» ou le roi-pontife

Wang (chinois) = roi.

L’idéogramme wang est composée de trois traits horizontaux figurant respectivement le Ciel, l’Homme et la Terre, et unis en ouvre, en leur milieu, par un trait vertical, car, disent les étymologistes, «la fonction du Roi est d’unir».

Ce que ce caractère désigne proprement, c’est donc l’Homme en tant que terme médian de la Grande Triade, et envisagé spécialement dans son rôle de «médiateur»; nous ajouterons, pour plus de précision encore, que l’Homme ne doit pas être considéré ici seulement comme l’«homme primordial», mais bien comme l’«Homme Universel» lui-même …(pp. 144-145)

Tchoung-Tao ‘ Voie du Milieu.

En tant que le Wang s’identifie à l’axe vertical, celui-ci est désigné comme la «Voie Royale» (Wang-Tao); mais, d’autre part, ce même axe est aussi la «Voie du Ciel» (Tien-Tao) . (p. 147)

Wang est Pontifex, selon la plus rigoureuse étymologie du nom. Il est celui qui fait le pont et le pont lui-même par lequel s’opère la communication avec les états supérieurs.

C’est pourquoi nous pensons que l’expression de «Roi-Pontife» est la seule qui puisse rendre convenablement le terme Wang, parce qu’elle est la seule qui exprime complètement la fonction qu’il implique; et l’on voit ainsi que cette fonction présente un double aspect, car elle est à la fois, en réalité, une fonction sacerdotale et une fonction royale.“ (p. 149)

Le Roi-Pontife rappelle les Rois-Mages.

Le Wang a reçu le mandat du Ciel directement ou indirectement. Dans le dernier cas il remplit une fonction à la manière rituele, même s’il n’est pas préparé pour cela à intérieur.

De la même manière il existe une transmission de l’influence spirituelle ou barakah, par cette transmission, un Khalîfah peut tenir la place du Sheikh et remplir valablement sa fonction, sans pourtant être parvenu effectivement au même état spirituel que celui-ci.

René Guénon, La grande triade (extraits)

Chapitre XIV. Le médiateur

Il monte de la Terre au Ciel, et redescend du Ciel en Terre; il reçoit par là la vertu et l’efficacité des choses supérieures et inférieures…

(Table d’Emeraude) ces paroles s’appliquent à l’Homme comme médiateur entre le Ciel et la Terre.

La tradition extrême-orientale dit qu’à l’origine le Ciel et la Terre n’étaient pas séparés, mais, pour que la manifestation puisse se produire, il faut que l’Etre se polarise effectivement en Essence et Substance. Dès lors, leur communication s’établit uniquement par l’Axe du Monde. Tchoung-young = Invariable Milieu.

Le sceau de Salomon est formé de deux triangles superposés: le triangle droit est la nature céleste et le triangle inversé la nature terrestre, et l’ensemble symbolise l’«Homme Universel», le médiateur par excellence.

Un autre symbole extrême-oriental est celui de la tortue qui est placée entre les deux parties supérieure et inférieure de son écaille, comme l’Homme entre le Ciel et la Terre.

Sa rétractation à l’intérieur de l’écaille symbolise la concentration dans l’«état primordial», qui est l’état de l’homme véritable, est cette concentration est d’ailleurs la réalisation de la plénitude des possibilités humaines, car, bien que le centre ne soit apparemment qu’un point sans étendue, c’est pourtant ce point qui, principiellement, contient toutes choses en réalité.

Un exemple d’action rituelle est la circumambulation de l’Empereur dans le Ming-tang, image de l’Univers concentrée en un lieu qui représentait l’Invariable Milieu.

René Guénon, La grande triade (extraits)

Chapitre IX. Le fils du ciel et de la terre

Le Ciel est son père, la Terre est sa mère ‘ formule initiatique.

L’homme véritable est celui qui possède vraiment la plénitude de la nature humaine, ayant développé en lui l’intégralité des possibilités qui y sont impliquées; les autres hommes n’ont en somme qu’une potentialité humaine plus ou moins développée dans quelques-uns de ses aspects.

Les hommes ordinaires sont plutôt fils de la Terre que du Ciel, ils sont yin par rapport au Cosmos.

L’homme véritable est parfaitement équilibré sous le rapport du yang et du yin, e t, en même temps, la nature céleste ayant nécessairement la prééminence sur la nature terrestre, il est yang par rapport au Cosmos.

… «l’homme véritable» est aussi l’«homme primordial», c’est-à-dire que sa condition est celle qui était naturelle à l’humanité à ses origines, et dont elle s’est éloignée peu à peu, au cours de son cycle terrestre, pour en arriver jusqu’à l’état où est actuellement ce que nous avons appelé l’homme ordinaire, et qui n’est proprement que l’homme déchu.“ (p. 85)

La déchéance spirituelle attire un déséquilibre sous le rapport du yang et du yin.

Ces êtres, au contraire, l’«homme primordial», au lieu de se situer simplement parmi eux, les synthétisait tous dans son humanité pleinement réalisée; a du fait même de son «intériorité», enveloppant tout son état d’existence comme le Ciel enveloppe toute la manifestation (car c’est en réalité le centre qui contient tout), il les comprenait en quelque sorte en lui-même comme des possibilités particulières incluses dans sa propre nature; et c’est pourquoi l’Homme, comme troisième terme de la Grande Triade, représente effectivement l’ensemble de tous les être manifestés.(pp. 85-86)

La distinction entre l’«homme véritable» et l’«homme transcendant» est celle d’entre l’homme individuel parfait comme tel et l’«Homme Universel».

L’homme véritable est donc celui qui est parvenu effectivement au terme des «petits mystères», c’est-à-dire à la perfection même de l’état humain; par là, il est désormais établi définitivement dans l’«Invariable Milieu» (Tchoung-young), et il échappe dès lors aux vicissitudes de la «roue cosmique», puisque le centre ne participe pas au mouvement de la roue, mais est le point fixe et immuable autour duquel s’effectue ce mouvement.

Ainsi, sans avoir encore atteint le degré suprême qui est le but final de l’initiation et le terme des «grands mystères», l’«homme véritable», étant passé de la circonférence au centre, de l’«extérieur» à l’«intérieur», remplit réellement, par rapport à ce monde qui est le sien, la fonction du «moteur immobile», dont l’«action de présence» imite, dans son domaine, l’activité «non-agissante» du Ciel.“ (p. 87)

René Guénon, La grande triade (extraits)