Celui-ci est calculé d’après votre date de naissance, par exemple, je suis né le 27 août 1961, mon hexagramme de naissance est le n°44: Keou / Venir à la rencontre.
Cet hexagramme appelé aussi: Rencontre,être accueillant, accueillir ce qui arrive, etc., est particulier dans sa structure, vous observez qu’il y a une écrasante majorité de traits Yang (5), avec un seul trait Yin qui se situe tout en bas de l’hexagramme, au premier trait.
Un hexagramme de Yi King ou GUA (en chinois) se lit toujours de bas en haut.
Cet unique trait Yin en bas de la figure à fait couler beaucoup d’encre (de Chine et d’ailleurs), il fait partie des hexagrammes mal traités durant des siécles,
Il s’agit de l’influence du Yin (féminin, obscur) qui vient à la rencontre du Yang (masculin, lumineux).
Cela à suffit à de nombreux traducteurs et commentateurs pour affubler cet hexagrammes des pires stéréotypes misogynes.
Il suffit de chercher la traduction de l’idéogramme Keou ou gou pour comprendre: Rencontre, union, fusion de deux complémentaires, trouver son chemin,fortuit,bon, vertueux, etc. un idéogramme chinois peut avoir jusqu’à 50 traductions différentes.
La dixième aile ou za gua, attribuée à Confucius le définit en termes de ferme et de souple, la rencontre entre le ferme (Yang) et le souple (Yin).
Il y a donc l’idée du Yin qui vient à la rencontre du Yang, et par extension l’idée de: venir à la rencontre, s’ouvrir aux autres, accueillir le nouveau (l’inconnu).
De par la nature majoritairement Yang de la figure on peut qualifier le caractère de la personne ayant cet hexagramme de naissance, comme: Fort,Analyste, Loyal, Sérieux, Travailleur, Intelligent,Nerveux, Colérique.
On pourra dire de ce personnage, qu’il supportera mal les critiques, tendance à vouloir tout contrôler,il peut devenir asocial et même hermite, il devra éviter de cultiver les idées sombres, d’éviter l’emportement.
Dans son travail, il exercera plus volontiers une activité ou il ne subira pas une hiérarchie, professions libérales, commerçant, etc.
En amour comme partout, le comportement particulier à cette personne, sera un entêtement à ne jamais montrer combien il a besoin de l’autre, d’agir comme un solitaire alors qu’en réalité, il est très lié et très fidèle.
Pour sortir de ses propres conditionnements, il lui sera conseillé, de cultiver l’amitié, de lâcher prise (trop de mental), en faisant de la marche, des exercises de respirations,méditation, sophrologie, relaxation, etc.
Grâce à son tempérament curieux, analyste, déterminé, la personne qui a: Venir à la recontre comme hexagramme de naissance, pourrait être un excellent formateur, transmetteur, à condition (toujours), d’éviter l’entêtement.
En acupuncture, venir à la rencontre, correspond à la fin du méridien merveilleux Taé Mo. Qui débute sur les côtes flottantes et se termine dans la région sexuelle. Comme l’ensemble du méridien, il a une action sur le sang. Il joue un rôle dans la pathologie du petit bassin et dans l’équilibre de la sexualité. De manière plus générale il est en rapport avec les capacités d’extraversion.
On devra surveiller les vaisseaux artériels et veineux, maintenir un bon équilibre entre le travail et le repos, la thyroïde, les reins (attention aux calculs), arthroses de la hanche, du genou, trouble du fonctionnement des intestins qui se répercutent sur les dents.
La conscience ne doit pas se laisser enfler par des idées de grandeur.
Un excès d’activité sexuelle épuise la vitalité pulmonaire. Dans le cas contraire, une trop grande indifférence se réfugie souvent dans une activité intellectuelle stérile.
Le contrôle de l’orgasme est la base du yoga tantrique, il permet un entretient des réserves vitales.
Il faut diminuer les émotions pour soulager le coeur. Pertubation de la tête et des pieds.
Un bouquet d’fleurs à la main Il sort du magasin Il avance de bon cœur Où va donc cet humain Qui porte un bouquet d’fleurs Où va donc cet humain Qui porte un bouquet d’fleurs
Vers quel rencard Quel amant dans l’placard Quelle inconnue Dans la toile entrevue Quelle fête des mères Quel ami sincère Quelle moitié d’aveu Quel amour qui flanche Quel drôle de cheveu Sur sa manche
Où va donc cet humain Qui croit qu’on est dimanche Où va donc cet humain Qui croit qu’on est dimanche
Un bouquet d’fleurs à la main Il connaît l’chemin Il avance de bon cœur Qu’attend donc cet humain Qui porte un bouquet d’fleurs à la main Qu’attend donc cet humain Qui porte un bouquet d’fleurs à la main
Quel genre de fête Quel anneau dans la tête Quel cœur qui bat Et n’attendait que ça
Sur quelle blessure Quel trou dans un mur Pour quel adieu Pour décorer quel dieu En vue d’assouvir Quel désir
Qu’attend donc cet humain Qu’est fait pour le plaisir Qu’attend donc cet humain Qu’est fait pour le plaisir
Un bouquet d’fleurs à la main Il connaît l’chemin Il avance de bon cœur
Que cache donc cet humain Qui porte un bouquet d’fleurs Que cache donc cet humain Qui porte un bouquet d’fleurs Il marche pas vite C’est pas des marguerites Il presse le pas C’est pas des camélias Il marque une pause Il a pas pris des roses Ses neurones agissent C’est pas du cannabis C’est pas l’temps du tout Des coucous
Que cache donc cet humain Qui respire avec nous Que cache donc cet humain Qui respire avec nous
Un bouquet d’fleurs à la main Il sait trop l’chemin Il va rentrer chez lui Pourquoi donc cet humain S’est ach’té des soucis Pourquoi donc cet humain S’est ach’té des soucis
Affectueusement surnommé « Gabo » dans toute l’Amérique latine, le Colombien Gabriel Garcia Marquez, Prix Nobel de littérature 1982, l’un des plus grands écrivains du XXe siècle, est mort à son domicile de Mexico jeudi 17 avril. Il était âgé de 87 ans. Son œuvre a été traduite dans toutes les langues ou presque, et vendue à quelque 50 millions d’exemplaires.
En 1999, la nouvelle s’était répandue qu’un cancer lymphatique serait sur le point de l’abattre, plongeant déjà ses lecteurs et admirateurs dans l’inquiétude. Tous les journaux de la planète rédigèrent alors sa nécrologie à la hâte, bientôt remballée dans les tiroirs. Double chance, pour lui et pour tous, car cela permit à Gerald Martin, britannique et professeur de littérature, de publier une biographie exhaustive, Gabriel Garcia Marquez, une vie (Grasset, 2009, édition originale en anglais chez Bloomsbury, 2008). Rétabli, mais victime d’une mémoire quelque peu chancelante, l’auteur de Cent ans de solitude avait disparu de toute vie publique ces dernières années.
Aîné de onze enfants, Gabriel José de la Concordia Garcia Marquez est né le 6 mars 1927, à Aracataca, un village perdu entre les marigots et les plaines poussiéreuses de la côte caraïbe colombienne. Son père y est télégraphiste. Dans l’œuvre de Gabo, Aracataca deviendra Macondo, un endroit mythique mais réel, à la différence du Yoknapatawpha County de William Faulkner ou de la ville fictive de Santa Maria de Juan Carlos Onetti. L’espagnol sud-américain a fait de « macondiano » un adjectif pour décrire l’irrationnel du quotidien sous ces latitudes. Gerald Martin explique l’importance qu’eut pour le futur écrivain son village et en particulier sa maison : « pleine de monde – grands-parents, hôtes de passage, serviteurs, indiens -, mais également pleine de fantômes » (celui de sa mère absente en particulier).
INFLUENCE LIBÉRALE
Juste après la naissance de Gabriel, son père décide de devenir pharmacien, en autodidacte. En 1929, il quitte Aracataca en compagnie de sa femme. Le garçon sera élevé par ses grands-parents, dans une maison transformée aujourd’hui en musée. Sa formation intellectuelle ainsi qu’un certain sens de la démesure lui viennent du colonel Marquez, son grand-père libre-penseur qui, pour meubler l’ennui d’un temps immobile, lui ressassait inlassablement ses souvenirs de la guerre des Mille Jours : une dévastatrice guerre civile qui, entre 1899 et 1902 opposa le camp « libéral » (dont il faisait partie) et celui des « conservateurs », et se solda par la victoire de ces derniers.
A ce « Papalelo », comme il le surnomme, le futur écrivain doit aussi les fondements de sa conscience politique et sociale. Le colonel faisait en effet partie des personnalités colombiennes qui s’étaient élevées contre le « massacre des bananeraies » : en décembre 1928, des centaines d’ouvriers agricoles en grève (1 500 selon certaines sources) avaient été tués par l’armée colombienne, sous la pression des Etats-Unis qui menaçaient d’envahir le pays avec leur marines si le gouvernement n’agissait pas pour protéger les intérêts de la compagnie américaine United Fruit. Dans Cent ans de solitude, son œuvre majeure, l’écrivain retrace sous forme de fiction cet épisode sanglant.
A huit ans, il part rejoindre ses parents qui l’enverront en pension chez les jésuites dans la ville de Barranquilla, puis à Bogota. Il publie ses premiers écrits dans la revue du collège. Baccalauréat en 1946, études de droit- vite abandonnées – et premières collaborations dans la presse : c’est en tant que journaliste que Garcia Marquez entre dans la vie publique. Lectures classiques : Kafka, Joyce, Virginia Woolf, Faulkner, Hemingway… Mais les influences ne jouent que sur la forme. Le fond, ce sera l’impalpable, le culte du surnaturel, des fantômes et des prémonitions transmis par sa grand- mère galicienne quand elle se levait la nuit pour lui raconter les histoires les plus extraordinaires de revenants, sorcières et nécromanciennes. Ainsi Marquez s’insère-t-il naturellement dans un courant littéraire hispanique et latino-américain incarné par Alvaro Cunqueiro, Miguel Angel Asturias et Alejo Carpentier: le réalisme magique ou le réel merveilleux.
En 1955, le jeune journaliste découvre la vérité sur la catastrophe du Caldas : ce destroyer de la marine colombienne, le pont surchargé de marchandises de contrebande, avait perdu huit hommes d’équipage dans la mer des Caraïbes lorsque les câbles de cette cargaison illicite avaient lâché. Les officiers avaient prétendu avoir affronté une terrible tempête. Après cent-vingt heures d’entretiens avec le seul rescapé, Garcia Marquez publie une série de quatorze articles, rédigés à la première personne et signés par le marin, qui seront repris en 1970 dans un livre sous le titre Journal d’un naufragé. Les lecteurs de EL Espectador s’arrachent le récit. Craignant les représailles du régime militaire alors au pouvoir, la direction du quotidien envoie Garcia Marquez en Europe.
FLN ET RIDEAU DE FER
Il arrive à Paris en pleine guerre d’Algérie, fréquente les milieux du FLN et, pour délit de faciès, s’expose ainsi aux « ratonnades » alors pratiquées par la police française. Jeune homme de gauche, proche des communistes, il effectue des voyages dans les pays de l’Est. Malgré ses préférences politiques, ses visites lui laissent une impression plutôt sinistre, consignée dans 90 jours derrière le rideau de fer (1959). Lorsque le dictateur Rojas Pinilla interdit El Espectador, le journaliste Garcia Marquez se retrouve sans travail. Il écrit et survit, en attendant la gloire et l’argent.
Sa compagne d’alors fait des ménages, lui ramasse papiers, journaux et bouteilles vides pour les vendre. Ces années impécunieuses trouveront leur écho, en 1961, dans Pas de lettre pour le colonel. L’année suivante paraîtront le roman La Mauvaise heure et Les Funérailles de la grande Mémé, un recueil de huit nouvelles : sortes de « moyens métrages » et, en quelque sorte, d’esquisses préfigurant ce que sera, cinq ans plus tard, Cent ans de solitude.
Entretemps, Garcia Marquez est revenu en Amérique Latine. Il y a épousé, en 1958, son amour d’adolescence Mercedes Barcha. Jamais ils ne se quitteront.
Deux fils sont nés de cette union : Rodrigo qui, après des études d’histoire médiévale à Harvard, deviendra réalisateur de cinéma et Gonzalo, qui sera enseignant à Paris. En 1961, Garcia Marquez, qui travaille pour l’agence de presse cubaine Prensa Latina, effectue en journaliste et en ami du nouveau régime castriste une première visite à Cuba. Puis il se rend à New York en attente d’un visa pour le Canada, où l’agence l’a chargé d’ouvrir un bureau. Mais l’affaire tarde, ne se réalise pas et le journaliste écrivain, qui s’ennuie, embarque en bus sa petite famille pour le Mexique, le pays où il passera la plus grande partie de sa vie.
LE CHOC DE « CENT ANS DE SOLITUDE »
C’est quelques années plus tard qu’il va, d’un seul coup, accéder définitivement à la célébrité mondiale. Dès sa publication en 1967, à Buenos Aires, l’engouement rencontré par Cent ans de solitude (publié en français par Le Seuil en 1968) est extraordinaire. Tous les lecteurs d’Amérique Latine connaissent de mémoire sa première phrase : « Bien des années plus tard, face au peloton d’exécution, le colonel Aureliano Buendia devait se rappeler ce lointain après-midi au cours duquel son père l’emmena faire connaissance avec la glace. « A la fois épopée familiale, roman politique et récit merveilleux, c’est « le plus grand roman écrit en langue espagnole depuis Don Quichotte », selon le poète chilien Pablo Neruda. L’écrivain y déploie, sans une seconde d’enlisement ni de distraction, son langage puissant, à la fois exubérant et parfaitement maîtrisé.
Depuis la fondation du village fictif de Macondo, se déploie, sur six générations, l’histoire de la famille Buendia, une sorte de dynastie dont le destin est lié à la chronique mythologique du continent. Toute l’Amérique latine se reconnaîtra bientôt dans cette saga héroïque et baroque. Cinq ans après sa sortie, Cent ans de solitude aura déjà été publié dans vingt-trois pays et se sera vendu à plus d’un million d’exemplaires rien qu’en langue espagnole. On sait que Garcia Marquez fut sincèrement abasourdi par le succès de ce livre. Il l’attribua au fait qu’il était d’une lecture facile, avec son enchaînement de péripéties fantastiques. Toujours est-il que son impact contribua à la notoriété internationale des autres écrivains du « boom latino-américain », de Juan Rulfo à Mario Vargas Llosa, en passant par Jorge Luis Borges, Julio Cortazar et Carlos Fuentes.
LA « GUERRE DE L’INFORMATION »
Garcia Marquez, meurtri et révolté par la dictature installée au Chili depuis le coup d’Etat du général Pinochet en septembre 1973, se refuse, pour un temps, à écrire de nouveaux romans et préfère s’engager dans ce qu’il appelle « la guerre de l’information ». Il contribue dans son pays à la création d’une revue indépendante, Alternativas, fustige le capitalisme et l’impérialisme, prend la défense du tiers-monde et soutient publiquement, sans états d’âme apparents, le régime de Fidel Castro.
En 1982, les jurés de Stockholm lui décernent le prix Nobel. Les rues de son village se couvrent de banderoles: « Aracataca, capitale mondiale de la littérature ». Il assistera à la cérémonie vêtu du « liqui-liqui », le costume blanc traditionnel de la côte caraïbe, au lieu du smoking protocolaire. Son discours de réception est un fougueux plaidoyer pour l’Amérique latine dont il décrit la « solitude » face « à l’oppression, au pillage et à l’abandon », alors même que les dictatures s’y multiplient.
Son évocation de « cette patrie immense d’hommes hallucinés et de femmes historiques, dont l’entêtement sans fin se confond avec la légende » – résonne dans tout le continent. Après le Nobel, Garcia Marquez tourne le dos à Macondo et à l’univers prodigieux de son enfance. Désormais, sa production se situera, pour l’essentiel, à mi chemin entre le journalisme, l’histoire et le roman populaire.
« LES ROMANCIERS NE SONT PAS DES INTELLECTUELS »
Plus tard, ni L’Amour au temps du choléra (1985), ni Le Général dans son labyrinthe (1989), ni sa dernière fiction Mémoires de mes putains tristes (2004), ne remporteront le succès des œuvres précédentes. Qu’importe. Gabo est devenu une référence. On le sollicite – notamment à plusieurs reprises comme médiateur lors des pourparlers de paix engagés avec la guérilla colombienne -, on le consulte sur tous les sujets. Garcia Marquez n’est pas dupe. « Je suis un romancier, disait-il, et nous, les romanciers, ne sommes pas des intellectuels, mais des sentimentaux, des émotionnels. Il nous arrive à nous, Latins, un grand malheur. Dans nos pays, nous sommes devenus en quelque sorte la conscience de notre société. Et voyez les désastres que nous provoquons. Ceci n’arrive pas aux Etats-Unis, et c’est une chance. Je n’imagine pas une rencontre au cours de laquelle Dante parlerait d’économie de marché. »
Au delà de la politique et de la mythologie, Garcia Marquez n’aura jamais cessé d’élaborer un immense discours sur la mort et sur la solitude, que ce soit dans Les Funérailles de la Grande Mémé, L’Automne du patriarche, Chronique d’une mort annoncée et, bien entendu, Cent ans de solitude qui porte sur la fin d’une dynastie et d’une civilisation. « Je pense évidemment à la mort », avait-il déclaré. « Mais peu, aussi peu que possible. Pour en avoir moins peur, j’ai appris à vivre avec une idée très simple, très peu philosophique : brusquement tout s’arrête et c’est le noir absolu. La mémoire est abolie. Ce qui me soulage et m’attriste, car il s’agira là de la première expérience que je ne pourrai pas raconter»
Transformer le monde entier en espace intérieur. (Rilke)
D’abord la nuit du monde – insondable, « le flux de l’obscur qui monte en houles » (José Angel Valente). Chaos, confusion, aveuglement. Puis, lentement, les yeux s’accoutument aux étoiles peuplant l’obscurité. Les choses semblent s’ajuster, sortir de leur torpeur, obéir à des rythmes. Apogée – déclin, vie- mort, actif – passif, plein – vide, aller – retour. Ce qui s’en va revient, ce qui revient s’en va. Cycle sans fin, changement perpétuel. Il n’est d’immuable que la transformation, socle mouvant du monde. Danse des atomes, succession des métamorphoses: le passage est la seule règle.
En vérité, les anciens Chinois ne s’intéressent guère à l’être, figure arrêtée, concept pétrifiant la vie. A l’écoute des qualités du réel, ils y découvrent, à l’instar de Nietzsche, « le changement, le devenir, la pluralité, l’opposition, la contradiction, le combat », à ceci près qu’ils perçoivent de tels mouvements sous le signe fluide de l’interdépendance. Le devenir dont ils s’efforcent de prendre la mesure n’est pas simplement une ligne horizontale glissant vers l’infini, mais une spirale s’éloignant – revenant dans la verticalité de l’espace – temps. Sur cette spirale, rien n’existe isolément. Tout fait écho, tout communique; les notions de centre et de confins s’évanouissent. Sort commun de l’univers, la transformation apparaît réglée par des lois. Au sein de ce flux, « écoulement sans doute absolu » (Nietzsche), certains éléments reparaissent en même nombre dans les mêmes circonstances. Éternel retour du même. Comme si l’entropie empruntait toujours un nombre délimité de figures.
Figures repérées, dénombrées et classifiées dans un livre singulier, deux fois millénaire, à la fois dispositif stratégique et opus in progress: le yi king ou « Classique des changements ». A l’origine, deux signes épurés, radicalisant la représentation du réel: un trait plein, ——–, un trait brisé — —, soit l’alternance rythmique du yang et du yin. Noire ou croche, la vie est affaire de musique – » le yin et le yang, dit Tchouan-Tseu, concertent et s’harmonisent ». Le doux s’affermit, le dur s’attendrit; toute chose appelle d’elle-même autre chose qu’elle-même. Parvenue au sommet de sa tension énergétique, le cube est si cubique qu’il en devient sphère – et quand la sphère trouve sa perfection, elle rebascule dans son devenir-cube. Au fond, chaque état de l’univers peut être saisi comme une symbiose particulière de données yin et yang.
Par alternance et dédoublement de deux traits fondateurs, naissent les soixante-quatre hexagrammes sur lesquels s’établit le yi king. Ces signes d’avant l’écriture, d’avant même la confusion des langues, modélisent les lois du changement. Théâtres en miniature des potentialités humaines, « briques » de l’espace-temps, ils offrent une géométrie universelle en prise directe avec la palette des phénomènes. Derrière la discontinuité visible, formant une sorte de double précis et éprouvé de la vie. En exact miroir du monde qu’il décrit, rythme et pénètre, le yi king est un livre-devenir, un système ouvert condensant la diversité du vivant, où le linéaire cède la place au circulaire, au « germinatif » (Abellio). Par le jeu incessant et rigoureux des mutations, chaque hexagramme porte en germe l’ensemble des autres. Énergétique généralisée, connaissance par les traits. Livre d’un présent continu, qui met au jour l’ossature du temps.
Le yi king n’est « voyant » que dans la mesure où il donne à voir. Boussole du temps, il sonde uniquement le nord du possible. Il ne prédit rien, mais oriente le consultant vers le « juste milieu » (le « centre », diraient les taoïstes) d’une situation. Il ne prévoit pas, mais tempère l’imprévisible. A la pensée généalogique, régie par la fiction opérante du moi et de la causalité, il oppose l’émerveillement analogique. A la succession, la simultanéité. A la séparation, la ressemblance, où abolit la distinction de l’être et du faire. La réponse du yi king vient le plus souvent comme re-connaissance d’une question autre, bien plus vaste que celle posée. Question qui n’appelle aucune réponse, sinon le feu insoupçonné de sa propre consumation. A cet instant, entre l’hexagramme – amas de savoirs successifs, dépôt d’une exceptionnelle densité – et la personne – feu d’artifice de particules chaotiques -, s’opère une coïncidence silencieuse. Celui qui s’ouvre au livre fait retour sur lui-même, interroge son centre de gravité, explore sa cosmologie interne. Attentif aux harmoniques de l’instant, il avance « vers le fond des choses où une loi originelle entretient leur croissance » (Klee).
La philosophie Chinoise (du moins dans toute la partie connue de son histoire) est dominée par les notions de Yin et de Yang. Rappelons qu’il ne nous est parvenu aucun fragment ( où se retrouve une préoccupation philosophique) qui puisse être estimé sensiblement antérieur au cinquième siècle. Tous les interprètes le reconnaissent. Tous aussi considèrent ces emblèmes avec la nuance de respect qui s’attache aux termes philosophiques et qui impose de voir en eux l’expression d’une pensée savante. Enclins à interpréter le Yin et le Yang en leur prêtant la valeur stricte qui semble convenir aux créations doctrinales, ils s’empressent de qualifier ces symboles chinois en empruntant des termes au langage défini des philosophes d’Occident. Aussi déclarent-ils tout uniment tantôt que le Yin et le Yang sont des forces, tantôt que ce sont des substances. Ceux qui les traitent de forces – telle est, en général, l’opinion des critiques chinois contemporains – y trouvent l’avantage de rapprocher ces antiques emblèmes des symboles dont use la physique moderne. HU SHIH, The development of logic al method in anscient China, et (à sa suite) TUCCI, storia della filosofia cinese antica, p 15, et SUZUKI, A brief history of early chinese philosophy, p 15. Les autres – ce sont des Occidentaux – entendent réagir contre cette interprétation anachronique. Maspero, la Chine antique pp. 482-483. Des idées assez différentes et qui semblent s’inspirer d’une autre interprétation sont exprimées aux pages 273 et suivantes du même ouvrage. COMP. WIEGER, Histoire des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine, depuis l’origine jusqu’à nos jours, p. 127. Ils affirment donc (tout à l’opposé) que le Yin et le Yang sont des substances, – sans songer à se demander si, dans la philosophie de la Chine ancienne, s’offre la moindre apparence d’une distinction entre substances et forces. Tirant argument de leur définition, ils prêtent à la pensée chinoise une tendance vers un dualisme substantialiste et se préparent à découvrir dans le Tao la conception d’une réalité suprême analogue à un principe divin. Maspero, op. cit., p.483, note 1, et pp. 499 sqq. Pour échapper à tout parti pris, il convient de passer en revue les emplois anciens des termes yin et yang, – ceci en évitant tout pédantisme chronologique et en songeant aux dangers de la preuve par l’absence. – C’est aux premiers astronomes que la tradition chinoise fait remonter la conception du Yin et du Yang. Ts’ien Han Chou, 30, p 15 b. De fait, on trouve mention de ces symboles dans un calendrier dont l’histoire peut être suivie à partir du troisième siècle avant notre ère. Ce traité, le Yue ling (cf. Li ki, c., pp. 330 sqq.), nous est parvenu dans trois éditions conservées par le Lu che tch’ouen ts’eiou, Houai-nan tseu, et le Li ki. Il est à la mode, de nos jours, d’attribuer aux théoriciens de la divination la première idée d’une conception métaphysique du Yin et du Yang; ces termes apparaissent en effet assez fréquemment dans un opuscule se rapportant à l’art divinatoire. Ce traité a longtemps passé pour être l’œuvre de Confucius (début du cinquième siècle). On préfère aujourd’hui le dater des quatrième et troisième siècle. Ce traité, le Hi ts’eu est un appendice du manuel divinatoire nommé Yi King (cf. Yi King, L., 348 sqq). Comp. Les prolégomènes de Legge (ibid. , pp. 26 sqq.; pp. 36 sqq.), et Maspero, op. cit., p480. Les théoriciens de la musique n’ont jamais cessé de fonder leurs spéculations sur le thème d’une action concertante (tiao) prêtée au Yin et au Yang. Ce thème est l’un de ceux qu’aime tout particulièrement à évoquer Tchouang tseu, auteur du quatrième siècle, dont la pensée se rattache au courant taoïste. SMT, III, pp. 301 sqq. et le P. Wieger, Les pères du système taoïste, p. 321. Une allusion, courte et précise, à cette action concertante, se retrouve dans un passage de Mö tseu. Mö tseu, 7. cf. Forke: Mo Ti, des Socialethikers und seiner Schüler philosophische Werke, p. 324. Maspero professe que les auteurs du Hi ts’eu sont les inventeurs de la théorie du Yin et du Yang; aussi admet-il (le Hi ts’eu étant jugé postérieur à l’œuvre de Mö tseu) que ce passage est interpolé, tout en reconnaissant qu’il fait partie dun chapitre de cette œuvre estimé authentique. Comme la doctrine de Confucius, celle de Mö tseu se rattache à une tradition de pensée humaniste. Son œuvre date de la fin du cinquième siècle av. J.-C. Ajoutons que les termes yin et yang figurent dans la nomenclature géographique: celle-ci, au moins pour ce qui est des lieux saints et des capitales, s’inspirait certainement de principes religieux. – Dès la période qui s’étend du cinquième au troisième siècle, les symboles Yin et Yang se trouvent employés par des théoriciens d’orientation très diverses. Cet emploi très large donne l’impression que ces deux symboles signalent des notions inspirant un vaste ensemble de techniques et de doctrines.
Cette impression se trouve confirmée dés que l’on songe à vérifier dans leChe king l’usage des mots yin et yang. On néglige d’ordinaire d’en tenir compte. On suppose qu’il ne peut s’agir que d’emplois vulgaires auxquels on dénie tout intérêt philosophique. Le Che king, cependant, quand il s’agit d’une étude de termes et de notions, fournit le fond le plus solide: ce recueil poétique, dont la compilation ne peut être postérieure au début du cinquième siècle, est, de tous les documents anciens, celui qui a le mieux résisté aux interpolations. Dans la langue du Che king, le mot yin évoque l’idée de temps froid et couvert, de ciel pluvieux; il s’applique à ce qui est intérieur (nei) et, par exemple, qualifie la retraite sombre et froide où, pendant l’été, on conserve la glace. Le mot Yang éveille l’idée d’ensoleillement et de chaleur; il peut encore servir à peindre le mâle aspect d’un danseur en pleine action; il s’applique aux jours printaniers où la chaleur solaire commence à faire sentir sa force et aussi au dixième mois de l’année où débute la retraite hivernale. Les mots yin et yang signalent des aspects antithétiques et concrets du Temps. Ils signalent, de même, des aspects antithétiques et concrets de l’Espace. Yin se dit versants ombreux, de l’ubac (nord de la montagne, sud de la rivière); Yang, des versants ensoleillés (nord de la rivière, sud de la montagne), de l’adret, bonne exposition pour une capitale. Or, quand il s’agissait de déterminer l’emplacement de la ville, le Fondateur, revêtant ses ornements sacrés, commençait par procéder à une inspection des sites à laquelle succédaient des opérations divinatoires: cette inspection est qualifiée d’examen du Yin et du Yang (ou, si l’on veut traduire, d’examen des versants sombres ou ensoleillés). Il est sans doute utile de rappeler ici que le dixième mois de l’année, qualifié de mois yang par le Che king, est celui où les rites ordonnaient de commencer les constructions: on doit penser qu’on en choisissait alors le site. Les premiers jours du printemps sont ceux où les constructions doivent être terminées et, sans doute, inaugurées; à ces jours convient aussi l’épithète yang. Ces témoignages, les plus anciens et les plus certains de tous ceux qu’on possède, ne peuvent être négligés. Ils signalent la richesse concrète des termes yin et yang. Ces symboles paraissent avoir été utilisés par des techniques variées: mais ce sont toutes des techniques rituelles et elles se rattachent à un savoir total. Ce savoir est celui dont l’analyse des représentations de Temps et d’Espace a pu faire pressentir l’importance et l’antiquité. Il a pour objet l’utilisation religieuse des sites et des occasions. Il commande la liturgie et le cérémonial: l’art topographique comme l’art chronologique. De ce savoir dépend l’ensemble des techniques dites divinatoires.