Le temps aboli (Krishnamurti)

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On peut étudier ce qui est limité, mais pas l’illimité. Et nous nous essayons alors à étudier le champ entier du psychisme, et disons que cela exige du temps. Mais dans ce domaine le temps est peut-être une illusion, il peut être un ennemi. La pensée crée l’illusion, et cette illusion évolue, grandit et s’étend. Il est probable que l’illusion de toute l’activité religieuse a commencé très simplement, et maintenant voyez où elle en est, avec cet immense pouvoir, ces possessions, cette grande accumulation d’œuvres d’art, de richesses, et cette hiérarchie religieuse qui exige l’obéissance et vous exhorte à une plus grande foi. Tout cela est l’évolution de l’illusion, son expansion et sa culture qui se sont développées au cours des siècles. Et le psychisme est tout le contenu de la conscience, la mémoire de toutes choses passées et mortes. Nous attachons une telle importance à la mémoire ! Le psychisme est mémoire.
Toute tradition n’est en fait que le passé. Nous nous y attachons désespérément, cherchons à la connaître dans tous ses aspects pensant que cette étude exige du temps, comme celle des autres domaines. Je me demande si nous nous posons jamais la question d’un arrêt possible du temps – le temps de devenir, le temps de s’accomplir. Y a-t-il quoi que ce soit à apprendre à ce sujet ? Ou peut-on voir que le mouvement entier de cette mémoire illusoire, qui semble si réelle, peut prendre fin ? Si le temps peut s’arrêter, quelle est alors la relation entre ce qui est au delà du temps et toutes les activités physiques du cerveau, telles que la mémoire, le savoir, les souvenirs et les expériences ? Quel rapport y a-t-il entre ces deux domaines ? Comme nous l’avons souvent dit, le savoir et la pensée sont limités. Ce qui est limité ne peut avoir de relation avec l’illimité. Toutefois, l’illimité peut avoir une sorte de rapport avec ce qui est limité, mais cette communication sera toujours partielle, étroite et fragmentaire.

Si l’on a l’esprit mercantile, on peut se demander l’utilité de tout ceci, l’utilité de l’illimité, en quoi cela peut être utile à l’homme. Nous voulons toujours une récompense. Nous vivons sur le principe de la punition et de la récompense, comme des chiens dressés que l’on récompense quand ils obéissent. Et nous sommes presque semblables à eux puisque nous voulons être récompensés pour nos actions, notre obéissance, etc. Une telle exigence naît du cerveau limité. Le cerveau est le centre de la pensée, laquelle est toujours limitée, en toutes circonstances. Elle peut inventer l’extraordinaire, le théorique, l’incommensurable, mais son invention sera toujours limitée. Voilà pourquoi il faut être complètement libre à l’égard du travail et du labeur de la vie, comme de l’activité égocentrique, pour que l’illimité puisse être.

J. Krishnamurti Dernier Journal Mardi 19 avril 1983 (p.81-83)

 

Est-il possible de vivre au présent, sans y introduire le temps, c’est-à-dire le passé ? On ne peut vivre, c’est certain, dans ce présent absolu qu’en comprenant le passé dans son intégralité globale. Mourir au temps, c’est vivre dans le présent, et vous ne pouvez vivre dans le présent que si vous avez compris le passé, ce qui suppose de comprendre votre propre esprit – et non seulement l’esprit conscient qui vous accompagne chaque jour au bureau, acquiert un savoir et de l’expérience, a des réactions superficielles, et ainsi de suite, mais aussi l’esprit inconscient, dans lequel sont enfouies les traditions accumulées de la famille, du groupe, de l’espèce. De même, sont enfouies dans l’inconscient l’immense souffrance de l’humanité, et la peur de la mort. Tout cela, c’est le passé, c’est-à-dire vous-même, et vous devez le comprendre. Si vous ne comprenez pas cela, si vous n’avez pas exploré les voies qui sont celles de votre esprit et de votre cœur, exploré votre avidité et votre souffrance, si vous ne vous connaissez pas vous-même complètement, alors vous ne pouvez vivre au présent. Vivre au présent, c’est mourir au passé. Ce processus de compréhension de vous-même vous permet d’échapper à l’emprise du passé, c’est-à-dire à votre conditionnement (…)

De la vie et de la mort. Page 83. Saanen, le 21 avril 1963. Editions du Rocher. 1994.

5 réflexions au sujet de « Le temps aboli (Krishnamurti) »

  1. denisty dit :

    Bonjour,

    Pour moi Krishnamurti m’a fait comprendre que n’être rien c’est le but, il dit la beauté est là quand vous n’y êtes pas, en sous entandant votre moi, votre ego. Pareil pour la vision directe, ou vision pur. Je suis presque arrivé à n’être rien, mais ce qui reste est encore trop.
    Merci à vous.

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